Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/802

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

où on ne voit quasi personne… Elle paraît de très bon naturel et apprend tout ce qu’on veut. Je crois que vous ne trouverez rien à redire à elle que ses grimaces, dont je ne crois pas qu’elle se pourra corriger avant qu’elle ait le jugement de voir dans son miroir que cela est mal[1]. » Ce n’est pas la première fois qu’il est question des « grimaces » de Liselotte.

Trois mois après : « (26 février 1662)… Je confesse que les raisons que vous alléguez pour retirer la princesse Électorale d’ici sont tout à fait selon la raison, car l’infante du Palatinat pourra toujours apprendre mieux à tenir sa gravité chez elle qu’avec moi en Westphalie, où l’on est très simple. »

Il se passa encore plus d’une année. Le retour de Liselotte était sans cesse remis, à cause de la présence de sa mère au château. On le brusqua, sitôt le départ de l’Électrice assuré. Le 5 juin 1663, Charles-Louis écrit à Mlle de Degenfeld qu’il va falloir loger sa fille. Le 14, il lui fait part de ses premières impressions : « Elle a plutôt gagné que perdu. » Mlle d’Uffeln, la gouvernante qui n’approuvait pas la bigamie, a été chassée, et sa remplaçante, Mme de Terlon, tremble devant Charles-Louis. Tout ira bien si « son ange » sait s’y prendre. Et il lui fait la leçon : « (Du même jour.) Je ne sais pas encore au juste quand l’Électrice partira… À présent que, par son départ, le danger sera moindre et la liberté plus grande, mon trésor devra veiller avec d’autant plus de soin, à mon avis, sur sa physionomie et ses gestes, et les tempérer de telle sorte, qu’il n’y paraisse ni trop de grandeur, ni trop de familiarité. Avec mon humeur, et d’après mon expérience, le premier défaut me serait moins désagréable que le dernier. »

L’Électrice Charlotte s’en alla pour ne plus revenir, et Charles-Louis crut plus que jamais que tout irait bien ; mais c’était toujours une illusion. Fut-ce la faute de Louise ? Fut-ce celle de Liselotte ? ou, tout simplement, la faute de la situation ? Une seule chose est certaine : la duchesse Sophie s’attendait à des complimens sur son élève : elle ne reçut que des plaintes.


V

La princesse Liselotte était une petite personne qui avait ses idées et ses volontés, et c’était de quoi son père ne pouvait

  1. Du 1er décembre 1661.