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Par exemple, on assiste dans un même lieu à la soustraction de la matière constitutive d’une coquille fossile et à la concrétion du cristal de roche. Avec les considérations abstraites de la chimie classique et qu’on pourrait presque qualifier de géométrique à cause de la simplification et de la précision des cas qu’elle considère, — cela ne se peut guère comprendre. Et la conclusion, c’est qu’il faut faire intervenir dans l’interprétation des phénomènes naturels, au lieu de liquides chimiquement définis, les sèves minérales qui baignent les tissus du grand organisme tellurique, et qui sont aussi compliquées dans leur composition que les humeurs physiologiques.

On a déjà insisté sur l’abus, commis tant de fois en géologie, des considérations purement géométriques, et l’on a montré sans peine qu’il en est résulté, pour beaucoup de théoriciens, la substitution, à la terre, d’une terre complètement artificielle où l’on ne découvre que les caractères dont on l’a gratifiée par hypothèse.

Ce qu’on a moins souvent remarqué, c’est que d’autres géologues se comportent à peu près de même au point de vue chimique : ils isolent certains principes des masses rocheuses qu’ils étudient, les placent dans des conditions très simples et les mettent en présence de réactifs parfaitement définis. C’est, il est vrai, la seule méthode qu’ils puissent suivre, vu les moyens si restreints dont nous disposons ; mais il n’en est pas moins vrai qu’ils commettent une imprudence quand ils cherchent à conclure de leurs résultats des applications directes et trop formelles à l’interprétation de la nature. Celle-ci est bien plus complexe que nous ne pouvons la concevoir, et il nous est aussi impossible de réduire la chimie de la terre à des formules rationnelles que la morphologie du globe à des équations. Dans les deux cas, nous obtenons des résultats partiels plus ou moins approchés, en dehors desquels se maintient toujours la réalité des choses ; nous faisons des caricatures chimiques, comme nous faisons des caricatures géométriques.

Pourtant, ce n’est pas une raison pour renoncer à la synthèse chimique, puissamment instructive dans ses limites ; pas plus qu’à la géométrie qui nous procure également des notions de première valeur. Seulement, c’est une raison d’user, dans ces voies spécialement difficiles, d’une prudence de tous les instans.

Sous les caillasses et avec une épaisseur de beaucoup