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César. Pline, en saluant avec tant d’enthousiasme le gouvernement de Trajan, lui apportait l’adhésion de la classe sénatoriale, encore toute tremblante des persécutions souffertes sous Domitien, enchantée de voir luire l’aurore d’un empire libéral. Chez tous ces écrivains, le Panégyrique répondait à une intention déterminée ; quoique, par sa forme, il appartînt à l’éloquence d’apparat, il touchait au fond à quelque chose de plus sérieux, aux grands intérêts du pays ou d’une faction politique. Représentons-nous au contraire quand et comment ont été prononcés les Panégyriques gallo-romains. C’est un jour de fête officielle : l’empereur célèbre l’anniversaire de sa naissance, ou de son avènement, ou de la fondation de Rome ; ou bien il se marie ; ou bien il passe dans une ville ; ou bien il préside, représenté par un de ses fonctionnaires, à l’ouverture d’une école. Il s’agit de le complimenter, et rien que de le complimenter. Le discours du rhéteur est une pièce nécessaire de la cérémonie, au même titre que le déploiement des soldats de la garde impériale, la décoration du palais ou les jeux offerts au peuple. Ce qu’on réclame de lui, ce ne sont pas des idées sérieuses sur des sujets pratiques : le jour ne s’y prête pas, et l’empereur, au surplus, croit n’avoir pas besoin qu’on lui en suggère ; on attend seulement que l’éclat de sa parole donne à la solennité un nouvel embellissement, une nouvelle parure. Ainsi replacée dans son milieu, la phraséologie pompeuse des Panégyristes nous paraît, je crois, moins surprenante. Même chez nous, ce n’est pas dans les réceptions protocolaires, ni dans les inaugurations de monumens publics, qu’on aurait l’idée de chercher l’éloquence la plus profonde, la plus ardente et la plus sobre : comment les rhéteurs du IVe siècle, placés dans des conditions sensiblement analogues, auraient-ils mieux réussi à éviter la banalité et l’emphase ?

Bien des causes, on le voit, se réunissent pour expliquer l’excès d’affectation qu’on reproche souvent à ces orateurs : leur éducation, les traditions de ce genre du Panégyrique, l’attente même de leurs auditeurs, tout les poussait vers la rhétorique. Mais qu’est-ce au juste que cette rhétorique ? quels défauts implique-t-elle précisément ? et n’a-t-elle pas quelques qualités qui la relèvent ? Si l’on se rappelle la place qu’elle a tenue dans la vie intellectuelle de cette époque et le prestige qu’elle a exercé ; si l’on songe qu’elle a été le privilège dont les Romains se vantaient avec le plus de fierté, et que les Barbares admiraient avec