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On glanerait aisément, un peu partout, de ces formules finales concises et aiguisées comme des épigrammes. « Nous jouissons encore de ta présence et nous réclamons déjà ton retour. » « La tranquillité des Muses est assurée par la protection d’Hercule, la gloire d’Hercule par les chants des Muses. » « Tu faisais tout pour mériter l’Empire, et rien pour l’obtenir. » « Tu n’as pas plus le droit de refuser maintenant le pouvoir que tu ne l’avais jusqu’ici de le désirer. » Souvent, dans ce moule antithétique, les rhéteurs versent des observations de psychologie générale, de morale courante, d’expérience politique. Ils obtiennent ainsi des « sentences » ou des « maximes, » comme il y en aura tant chez nos moralistes mondains, des définitions de mots, des aphorismes qui veulent être à la fois graves et spirituels : « Vouloir la guerre sans prendre les armes, ce n’est plus de la concorde, c’est une hostilité qui n’ose s’avouer. » « Rien ne brise l’amitié comme un service refusé : l’un croit qu’on ne l’aime plus parce qu’il n’a pas donné, l’autre se juge haï parce qu’il n’a pas reçu. » « L’exemple est la façon la plus aimable de commander. » « On doit regarder comme étant à soi bien moins ce qu’on a ravi que ce qu’on a donné. » Ces réflexions sont en elles-mêmes assez médiocres, non pas fausses certes, trop vraies au contraire ! et le ton dogmatique et le tour concis en dissimulent mal la banale insignifiance : mais elles sont bien dans la tradition de la rhétorique ancienne, où, selon le mot joliment ironique de Quintilien, l’essentiel n’est pas d’exprimer des pensées, mais des choses qui aient l’air d’être des pensées.

Je crois n’avoir dissimulé aucun des défauts littéraires qu’on peut reprocher aux Panégyristes : et pourtant, j’estime que ces défauts ne doivent pas nous rendre trop sévères. Outre qu’ils sont communs à presque tous les écrivains de la décadence latine, il ne faut pas qu’ils masquent à nos yeux les qualités très réelles qui s’y trouvent associées.

Parmi ces qualités, l’une des moins contestables est la correction grammaticale. Assurément, à l’époque de César ou d’Auguste, ce serait pour des écrivains de profession une gloire bien médiocre que de savoir parler latin : mais au IVe siècle, en pleine anarchie et décomposition de la langue, ce mérite devient plus précieux, étant plus rare. Or il existe à un très haut degré dans les Panégyriques, et l’on comprend la joie, le rafraîchissement, si je puis dire, que de fins humanistes éprouvent, lorsque, après