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maintiennent la gloire de votre valeur, de recevoir de toutes parts des milliers de messages et de renvoyer autant d’ordres, de songer à tant de villes, de nations, de provinces ; de passer jours et nuits dans un perpétuel souci pour le salut de tous. » Une période comme celle-là, — et il y en a beaucoup de pareilles, — n’est pas indigne de figurer entre celles de Cicéron et celles de Bossuet. Assurément on peut aimer mieux quelque chose de plus vif et de plus brusque ; on peut préférer la manière de Tertullien ou de saint Augustin, où des éclairs subits déchirent de leur lueur rapide des nuées obscures, illuminent tout en un instant et pour un instant. Mais il n’en faut pas moins rendre justice à ces développemens réguliers, solides, bien équilibrés, où rien ne manque ni ne cloche, et qui, révélant un talent maître et sûr de lui, laissent également dans l’esprit du lecteur une impression de sécurité et de pleine satisfaction.


II

On voit donc que les Panégyristes, à les prendre d’un point de vue exclusivement littéraire comme nous l’avons fait jusqu’ici, sont loin d’être méprisables. A coup sûr ce ne sont pas des hommes de génie : ils ont les petitesses, les mesquineries affectées qui sont inhérentes à ce genre et au système d’éducation par la rhétorique ; mais ils ne présentent pas les défauts choquans qu’on trouve souvent chez les auteurs espagnols ou africains, et ils possèdent certaines qualités, correction dans la langue, clarté dans le style, mesure dans le goût, précision dans les détails et régularité dans l’ensemble, qualités très classiques et en même temps très françaises. Mais, de ces qualités, quel usage ont-ils fait ?

Il est certain que les flatteries abondent dans leurs discours, et qu’elles y sont bien ennuyeuses et bien déplaisantes, d’autant plus qu’elles sont fort monotones. Il y a en effet quatre ou cinq procédés, consacrés et, si j’ose dire, catalogués, auxquels on en revient toujours pour louer les empereurs. Le premier consiste, tout naturellement, à exalter leurs mérites outre mesure, tous leurs mérites, même les plus insignifians, même les plus contestables. On célèbre par exemple la rapidité des voyages de Dioclétien et de Maximien Hercule, la pureté de mœurs de Constantin, l’affabilité de Théodose, comme si c’étaient des