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vail est de ceux qui grandiront vite ; il sera même très malaisé d’en modérer la croissance. De plus, tous ces services aujourd’hui confiés à plusieurs ministères compétens, Intérieur, Commerce, Travaux publics, s’inspireront d’un esprit nouveau, plus actif, plus puissant, lorsqu’ils seront réunis. Le ministère du Travail éprouvera le besoin de légitimer son existence. Nous souffrons déjà beaucoup de la tendance qu’a l’État, chez nous, à se mêler du travail privé, tantôt pour l’empêcher le dimanche, tantôt pour le réglementer les autres jours : nous en souffrirons davantage. Le nouveau ministère comprendra, d’après le Journal Officiel : 1° la réglementation du travail (heures de travail, repos, hygiène et sécurité, etc.) ; 2° les relations entre employeurs et employés (contrat de travail, associations professionnelles, différends collectifs et conciliation, etc.), — il y a, comme on voit beaucoup, d’etc. ! — 3° les conditions d’existence des travailleurs en cas de maladie, d’accidens du travail, de chômage, d’invalidité, de vieillesse et, en général, les institutions d’épargne et de prévoyance qui les intéressent plus particulièrement ; 4° les statistiques et les enquêtes relatives à tous ces objets. Où logera-t-on le nouveau-né ? A l’administration des Cultes, pour commencer ; mais cette installation sera provisoire. L’administration des Cultes n’avait besoin que d’un local étroit, qui serait à peine suffisant pour le simple cabinet d’un ministre du Travail. Que d’employés, que de crédits nouveaux ne faut-il pas prévoir ! Et M. Clemenceau trouvait qu’il y en avait déjà trop, dans ses discours du Var ! Il sera débordé. Nous sommes d’ailleurs plus inquiet de l’esprit dans lequel fonctionnera l’institution que de ce qu’elle coûtera. Déjà le groupe socialiste parlementaire a envoyé une délégation à M. Clemenceau pour lui demander de faire figurer dans sa déclaration ministérielle la promesse de quatre projets de loi, concernant l’un le contrat du travail, l’autre l’arbitrage en temps de grève, le troisième la révision générale de la loi de 1810 sur les mines, et le dernier l’extension des libertés syndicales. Voilà bien du travail pour le ministère du Travail, et bien des menaces pour nous ! M. Clemenceau a fait, parait-il, quelques objections au sujet de l’arbitrage obligatoire et, pour le reste, de belles promesses. « Aucune réforme, aussi hardie soit-elle, ne sera, a-t-il dit, écartée de parti pris par le gouvernement, qui est au contraire bien résolu à les examiner très attentivement. » En attendant mieux, le ministère prépare son programme. Il a demandé pour cela jusqu’au 5 novembre, et les Chambres se sont ajournées à cette date. Qui aurait cru qu’il faudrait si longtemps à M. Clemenceau pour se mettre d’accord avec des collègues qu’il a si