Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par préférence, les colonies autonomes britanniques peuvent concéder à l’Angleterre dans leurs tarifs douaniers, avec ou sans réciprocité, suivant que celle-ci abandonnera ou conservera le régime du libre-échange. Le preferential trade est une conception de M. Chamberlain, et la base de ses projets de réforme du système fiscal de l’Empire britannique. Le Canada, — qui n’est pas dans les mêmes conditions que l’Australie, — l’a adopté depuis l’année 1897. Il a pour objet, dans l’esprit de ses promoteurs, de resserrer, entre les diverses parties de l’Empire, les liens politiques qui tendent à se relâcher à mesure que chacune de ces parties se crée des intérêts propres qui prennent de plus en plus de consistance. Au point de vue économique, il est supposé devoir permettre à l’Angleterre de monopoliser, autant que possible et au meilleur compte, les produits de ses colonies, en même temps que de concurrencer chez elles, à des conditions avantageuses, les produits manufacturés des pays étrangers et ceux des colonies elles-mêmes. L’espace manquerait pour examiner ici la valeur de cette suggestion. On remarquera seulement qu’elle est un retour déguisé et modernisé aux anciennes théories coloniales, et que son application en Australie pourrait être dangereuse, car la nécessité de conserver pour ses exportations l’accès facile du marché européen ne lui permet guère de s’exposer à des représailles.

Cependant, le premier ministre actuel du Commonwealth, M. Deakin, impérialiste ardent, avait pris la résolution d’engager le pays dans l’expérience du preferential trade. Préoccupé sans doute de la grosse question du rachat des dettes des Etats, il pensait qu’on ne saurait être trop prévenant envers un banquier chez lequel on a un découvert de cinq milliards[1]. En conséquence, le 30 août dernier, après s’être assuré que le Labour party, indifférent à ces sortes d’affaires, ne lui ferait pas d’opposition, il présentait au Parlement fédéral un projet de modifications du tarif douanier, relevant certains droits et comportant d’assez substantiels avantages en faveur de marchandises anglaises de diverses catégories. Ledit projet visait notamment quelques produits dont l’importation des États-Unis et de l’Allemagne concurrence avec succès les similaires d’origine

  1. La partie de la dette australienne formée de capitaux anglais est de 190 millions de livres sterling. Le complément (environ 50 millions de livres) a été souscrit en Australie.