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était plus étendu, se sont peu à peu réduites, évanouies, et cela pour ces actes même d’emprunt et d’aliénation, qui diminuent l’avoir commun et contre lesquels elles devaient s’exercer. Il appartiendrait aux femmes, si elles ne profitent plus pour être protégées de l’hypothèque légale, de profiter de la renonciation aujourd’hui habituelle, pour prendre leur part de la gestion.

Par ces moyens indirects, la femme commune a été élevée du rôle négatif et muet que lui assignait le Code civil au rang de collaboratrice. Elle administre seule la maison, elle est associée à tous les actes graves qui engagent la communauté. Cependant, quant à ses propres, elle est toujours tenue à l’écart de l’administration ; le Code a imposé au mari d’avoir le concours de sa femme pour l’aliénation de ces propres, mais il lui a réservé le droit de les administrer seul. Les conséquences de cette règle semblent en certains cas excessives. Le mari d’une femme commune qui écrit, peint ou sculpte, même si le droit d’auteur est reconnu comme propre, peut seul traiter pour la publication ou la reproduction avec l’éditeur où le marchand, car ce sont là des faits d’exploitation, d’administration. S’il administre mal ou contre le gré de la femme, il engagera sa responsabilité. Mais elle n’aura aucun moyen d’empêcher de tels actes. Une fois encore, pour l’administration des propres de la femme comme pour la composition du patrimoine de communauté, il faut bien constater que le Code civil porte sa date : il n’est pas de 1906, il est de 1804.

D’une façon générale, quel que soit le régime, les efforts de la pratique et de la jurisprudence pour ajuster les règles anciennes aux faits nouveaux, les tendances d’une époque où les femmes ont accru leur individualité et en ont pris conscience, les sollicitations des femmes elles-mêmes, tout ce mouvement s’arrête contre l’obstacle infranchissable, la règle d’ordre public, incapacité des femmes et puissance maritale. Il ne s’agit plus seulement du rôle de la femme dans l’administration des biens, lequel varie avec les régimes. L’incapacité générale s’applique à deux modes d’activité : la femme ne peut seule ni ester en justice, ni contracter. Le Code civil ajoute que, si le mari refuse l’autorisation, le juge pourra la donner à sa place. En fait, l’incapacité d’ester en justice, même en justice de paix, ne se comprend point toutes les fois que la femme a la charge d’une administration, sous le régime de séparation de biens, sous le