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ainsi à la femme, outre les objets exclusivement destinés à son usage, tels que vêtemens et instrumens de travail, tout ce qu’elle acquiert par son activité : de plus, le consentement dûment publié des époux, ou la volonté des testateurs et donateurs peut classer un bien parmi les « réservés. »

La seule classification de ces différens biens — apports soumis à l’union, acquêts propres au mari, biens réservés à la femme — montre quelle sera l’étendue de sa capacité patrimoniale. Sur ses apports, par contrat de mariage, elle consent un abandon de ses droits et que ce soit le mari qui administre seul ; toutefois, comme elle ne renonce pas à la propriété, elle demeure associée à tous les actes de disposition, même aux opérations juridiques de quelque gravité ; le mari étant absent ou empêché, elle administrera et même aliénera seule. Sur les acquêts propres au mari, elle n’a naturellement aucun droit. Sur ses biens réservés, en revanche, elle exerce tous les pouvoirs : elle administre, engage, dispose : c’est sa chose : elle est capable et n’a consenti aucune restriction à sa capacité ; elle peut donc agir en propriétaire, maîtresse de tous ses droits.

La condition juridique de la femme mariée se complète par la reconnaissance légale de son droit d’administration ménagère. Ce qui n’est en France qu’une construction de la jurisprudence, fondée, comme on a vu, sur l’idée de mandat tacite, et fragile, puisque le mari par un acte de volonté peut supprimer le mandat, l’Allemagne et la Suisse ont voulu le consacrer par la loi. La femme, de par la loi, a l’administration du ménage, étendue au cercle des affaires domestiques et définie exactement par le mot qui la nomme, die Schlüsselgewalt, « le pouvoir des clefs. » Quelques nuances sont à signaler, dans la nature et le fonctionnement de ce pouvoir légal, entre le droit allemand et le suisse. Celui-ci établit la femme mandataire de l’union conjugale et lui confère ainsi un pouvoir nettement personnel ; de là la conséquence, qu’au cas où elle en mésuserait, le tribunal seul, non le mari, pourrait le suspendre, le restreindre, le supprimer. Dans le Code allemand, la femme est bien, comme dans la jurisprudence française, mandataire du mari, et, par suite, elle est présumée agir pour le mari, elle l’engage sans s’engager elle-même, à moins de l’avoir stipulé. Mais elle a un mandat légal : c’est la loi qui, avec ou sans l’aveu du mari, la constitue sa mandataire. En conséquence, les besoins et ressources du ménage, non