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la volonté du mari, règlent l’étendue d’exercice du mandat ; et le mari a bien le pouvoir de restreindre la Schlüsselgewalt ou de la supprimer, mais sauf recours de la femme devant le tribunal de Tutelle. Ces différences, qui sont intéressantes dans l’application, ne touchent en rien au principe même, la consécration légale d’un droit, lequel est si conforme à la réalité, au rôle effectif de la femme dans sa maison, que la jurisprudence française a dû suppléer au silence du Code pour le reconnaître.

Les changemens apportés par ces législations d’hier au droit d’il y a cent ans se résument en deux ordres de faits. D’abord la femme reste pleinement capable, sauf les restrictions qu’exige l’intérêt du mariage et celles qu’elle-même a consenties par son contrat. D’autre part, au régime légal de communauté, — fusion en un patrimoine commun des apports de chaque époux et des produits de leur activité, avec droit d’administration et d’aliénation pour le mari, — est substitué un régime complexe. Les apports toujours distincts sont réunis sous l’administration du mari, lequel d’ailleurs ne peut aliéner les apports de la femme sans qu’elle consente ; chaque époux garde les produits de son activité ; pour la femme, ces biens propres, dits réservés, peuvent s’accroître par la volonté commune des époux, par la volonté des donateurs ou testateurs. Enfin le rôle patrimonial de la femme se révèle dans un triple droit : elle est associée à l’administration des biens « unis, » en ce sens que ses apports ne peuvent être aliénés sans elle, elle dispose librement de ses biens réservés, elle a la Schlüsselgewalt, le pouvoir d’administration domestique. Il est à remarquer que l’amoindrissement de la puissance maritale a entraîné, comme conséquence naturelle, la restriction des mesures qui, dans notre droit, protègent la femme contre les excès de cette puissance. Dans le régime légal de l’union des biens, le danger dont la femme doit être garantie est que le mari, administrateur de ses apports, détourne les revenus ou touche au capital. Or elle a un droit de contrôle ; pour s’assurer que les deniers inutilisés dans les dépenses de la maison ont été placés, elle peut exiger un inventaire ; elle peut aussi, pour la garantie du capital, exiger des sûretés, mise en gage, cautionnement hypothécaire, et elle peut agir en séparation de biens. Enfin elle est très fortement protégée par la « subrogation réelle ; » tout bien, acquis par le mari sur le produit de la vente d’un apport de sa femme, prend la place de