Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/438

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ailleurs on ne pouvait lui opposer que notre régime analogue « sans communauté » a fait depuis longtemps ses preuves d’impopularité. C’est la moins pratiquée de toutes les combinaisons. La femme gardant la propriété de tous ses apports, mais privée de tout rôle dans l’administration, de toute part dans les acquêts, on trouve sans doute que c’est trop peu d’avantages, et on préfère les différens systèmes de communauté, ou que ce n’est pas assez de garanties, et on préfère le régime dotal.

Le régime dotal lui-même ne pourrait prétendre à l’emploi de régime légal que ses partisans réclamèrent vainement en 1804 : il est trop contraire aux habitudes de la majorité, trop favorable aux fraudes, trop nuisible au crédit.

La séparation de biens enfin, le système préféré des féministes, se condamne par les argumens mêmes qu’on invoque pour lui : c’est le seul régime, dit-on, qui tienne compte de ce grand fait nouveau, l’activité extérieure et créatrice des femmes, et qui assure à toutes les travailleuses la légitime disposition de leurs gains. Est-ce le seul régime ? Non : on va voir que la communauté pourrait réaliser le même avantage dans une satisfaisante mesure. Dépouillée de ce mérite exceptionnel, la séparation de biens ne montre plus que ses inconvéniens, à savoir que les femmes sont privées de toute part dans les acquêts, dans le patrimoine créé par le mari. Toutes les femmes qui ne sont point des travailleuses intellectuelles ou manuelles, qui ont leur activité dans le ménage et qui peuvent bien être des épouses parfaites, seraient ainsi sacrifiées ; car, pour leur donner la disposition des produits d’une activité qui chez elles conserve et ne produit pas, on les priverait de participer aux produits de l’activité du mari que précisément leurs qualités et leurs soins encouragent et développent. Or ces femmes, il n’est pas permis de l’oublier, sont encore et de beaucoup les plus nombreuses ; non seulement presque toutes dans la classe riche ou aisée, mais la plupart dans la petite bourgeoisie, un assez grand nombre dans la classe ouvrière, par exemple les femmes des mineurs, celles des ouvriers métallurgistes. Les travailleuses, dans le sens d’un travail extérieur au ménage, sont une minorité. S’il est toujours fâcheux de légiférer pour une classe sociale, il est détestable de légiférer pour une minorité. La séparation de biens ne favoriserait qu’une minorité : cela suffit à la faire écarter.

Il suffira de même, pour décider en faveur de la