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surtout par les excès de la puissance maritale. Elle n’en demeure pas moins la plus parfaite qui se puisse concevoir, et la plus parfaitement conforme à l’idéal du mariage même. De constater qu’aujourd’hui l’incapacité absolue des femmes est un non-sens, que la richesse mobilière est infiniment plus abondante que l’immobilière contrairement aux faits d’il y a cent ans, que tels droits nouveaux, la propriété littéraire, échappent aux classifications anciennes, qu’enfin, l’un en face de l’autre, le mari et la femme d’aujourd’hui ne peuvent être que des associés, avec un pouvoir de décision pour lui, — tout cela ne vise, n’atteint que des modes d’application de l’idée et ne touche pas l’idée elle-même. Il est utile et même il est urgent de réformer ces défauts, avant tout de supprimer l’incapacité de la femme, de consacrer son droit d’administration dans la maison et sur les produits de son travail, de l’associer aux actes de disposition du patrimoine commun. Cela, les faits de tous les jours le conseillent, le commandent. Mais par-delà cette évolution qu’il serait puéril et dangereux d’ignorer, il faut voir aussi ce qui n’a point changé, ce qui ne peut changer : le mariage, avec toutes les imperfections qu’y peuvent apporter les hommes et les femmes, demeure la plus complète, la plus absolue des associations humaines ; c’est comme association complète, absolue, qu’il est encore pratiqué dans la grande majorité du pays ; et le mari, plus fort, plus instruit, y apporte, même quand la femme travaille, le gain le plus élevé. Réduite aux acquêts, corrigée, rajeunie, mais dans le détail de ses rouages, non dans l’idée même qui est sa force agissante, la communauté seule associe les biens, fait profiter la femme de l’effort du mari, et demeure donc la meilleure loi de notre société conjugale.


LOUIS DELZONS.