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Mais, s’il veut dire que, dans les questions politiques, des influences politiques s’exercent sur Pie X et qu’il en tient compte, nous nous contenterons de demander comment il pourrait en être autrement. Tous les gouvernemens ménagent le Saint-Père, lui témoignent de la vénération, l’entourent de respect, tous, sauf le nôtre, qui n’a pour lui qu’éloignement et dédain. Cette différence dans les traitemens dont il est l’objet ne peut pas manquer de faire quelque impression sur son esprit, ses sentimens, ses dispositions ; mais si quelqu’un, en constatant le fait, n’a pas le droit de s’en plaindre, c’est un ministre du gouvernement de la République, et en particulier son chef, M. Clemenceau. On dit au Pape qu’on ne veut pas avoir affaire à lui, qu’on tient pour négligeable ce qu’il peut penser, dire ou faire, enfin qu’en toutes choses on est résolu à l’ignorer : après cela, est-on bien venu à lui reprocher l’usage qu’il fait d’une puissance qu’on a refusé de reconnaître en lui ? Le moindre défaut de ce langage est de manquer de logique. Si des influences étrangères s’exercent à Rome, pourquoi celle de la France ne s’y exerce-t-elle pas aussi, pour les contrebalancer ou y faire échec ? Pourquoi avons-nous brisé l’organe même de nos rapports avec le Saint-Siège ? Pourquoi n’avons-nous pas un représentant auprès de lui ? Et comment s’étonner, dès lors, si quelques-uns de nos intérêts politiques sont menacés et déjà en déclin ? Ces questions assiègent notre esprit : mais c’est à M. Clemenceau et non pas à Pie X que nous les posons sous forme de grief. Il est extraordinaire qu’on accuse le Pape de se montrer plus sensible aux influences qui s’exercent à Rome, qu’à celles qui, de parti pris, s’abstiennent de le faire ! Il est exorbitant qu’on prétende lui interdire d’avoir des rapports avec les autres, parce que nous avons rompu tous les nôtres avec lui !

La Chambre a montré par son vote qu’elle considérait la déclaration comme une simple formalité, ou banalité : elle y a répondu par un ordre du jour de confiance qui avait tout juste le même caractère. Pas un mot n’a été échangé entre le gouvernement et elle, comme si la majorité s’était inspirée de la fameuse observation du cardinal de Retz sur les droits opposés qui ne s’entendent jamais mieux que dans le silence. M. Clemenceau avait dit en finissant : « Si votre confiance nous en fournit le moyen, nous agirons. » Va pour notre confiance, a répondu la Chambre : agissez, nous verrons après. Mais on a vu tout de suite que la confiance était sujette à caution et que, pour être sincère et solide, elle aurait besoin d’être renouvelée. La Chambre, en effet, ayant commencé à discuter les interpellations