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par leur passion croissante pour les œuvres de l’Antiquité païenne. La recherche, à grands frais, jusqu’en Grèce et en Orient, des manuscrits grecs et latins, et des ouvrages de l’art antique, est une passion générale et si ardente qu’on s’endette, qu’on se ruine, qu’on expose sa vie sans plainte, ni remords, pour la satisfaire. Les artistes, naturellement, ne sont pas moins avides de retrouver l’extase esthétique dans les débris exhumés de toutes parts. On sait l’enthousiasme de Brunellesco et de Donatello, à Rome, s’attardant, le compas et le crayon à la main, parmi les amoncellemens inexplorés des ruines, celui de Ghiberti pour une statue de Vénus, autrefois déterrée à Florence, qu’il retrouvait à Ferrare chez le marquis d’Esté : « Elle a d’infinies douceurs que les yeux mêmes ne peuvent saisir, ni sous la forte lumière, ni sous la tempérée ; la main seule peut les trouver par le toucher. » Même admiration pour l’Hermaphrodite conservée à Rome, dans l’église Santa Cecilia. C’est par la sculpture que le culte de la beauté, dans la décomposition du monde gréco-romain, avait longtemps résisté aux malédictions chrétiennes, c’est de nouveau par la sculpture qu’il s’impose au monde de la Renaissance


II

Le sentiment de beauté, plus personnelle et plus délicate, qu’Orcagna, sculpteur et peintre, avait, sinon introduit, du moins plus clairement affirmé que ses prédécesseurs, dans son Tabernacle d’Or San Michèle et son Paradis de Santa Maria Novella, était, d’ailleurs, au milieu du XIVe siècle, déjà fort répandu. Nino Pisano et Balduccio inclinaient même déjà vers un certain sentimentalisme. La mode et le progrès de l’orfèvrerie contribuaient, d’autre part, à la fois aux progrès de la technique et à l’affaiblissement du style. Les derniers fresquistes giottesques, Giovanni da Milano, Antonio Vite, Starnina, Spinello Spinelli, ne sont pas, tant s’en faut, indifférens au mouvement général. Mais la rapidité qu’ils doivent apporter à l’exécution de leurs vastes épopées murales ne leur laisse guère le temps de traiter le morceau avec le même soin. C’est alors que la grande émulation d’un naturalisme plus viril et plus hardi, déjà florissant dans l’Ile-de-France, dans les Flandres, et surtout en Bourgogne, vint donner au génie italien une nouvelle secousse. Les