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Savonarole est rentré à Florence, la foule tremble et pleure aux imprécations de ses lèvres brûlantes contre le paganisme ressuscité, à ses objurgations prophétiques de se repentir et de s’humilier avant l’arrivée du messager de Dieu, du Vengeur étranger. Laurent de Médicis va mourir, Charles de France s’apprête, avec son torrent de gens d’armes, à descendre des Alpes.

Durant cette période, les confrères de Botticelli, praticiens plus paisibles, esprits moins agités, ne semblent point, avoir recherché les faveurs de Laurent. Luca Signorelli, par exception, reçoit la commande d’un Triomphe de Pan et, dans cette composition superbe, à l’inverse de Botticelli, il accentue, en vigueur et santé, le caractère calme de ses nudités puissantes. Sa virilité majestueuse s’exerce plus volontiers en de nobles figures de saints et de saintes, en attendant qu’elle éclate dans les épopées d’Orvieto avec une maîtrise victorieuse et sereine que les formidables visions plastiques de Michel-Ange, son admirateur, malgré leur sublimité savante, ne pourront faire oublier. Pérugin, merveilleux ouvrier, mais âme froide, satisfait d’avoir donné, dans sa Remise des clefs à saint Pierre, son chef-d’œuvre exemplaire d’une composition harmonique et expressive et d’une exécution impeccable, incline déjà à faire commerce lucratif et monotone de ses vierges candides et de ses saints extatiques. Ghirlandajo, en revanche, simplement fidèle à la grande tradition, naturaliste et morale, de Fra Angelico, Masaccio, Lippi, à celle qu’à la même heure, l’honnête et beau poète, le vieux Gozzoli, continue de représenter à Pise, sur les murs du Campo Santo, s’enhardit dans son amour simple et sain de la beauté pleine et heureuse. Il accumule, avec une fécondité joyeuse, des séries d’œuvres où l’impression reçue de l’Antiquité n’apparaît que pour donner à ses figures, hardiment vivantes, plus de franche aisance dans les attitudes et les gestes, plus d’humanité durable et communicative dans les expressions. C’est de 1482 à 1484, dans la Collégiale à San Gimignano, l’exquise légende de la petite servante, Santa Fina, en même temps qu’à Florence les décors historiques du Palazzo Vecchio. C’est en 1485, à Santa Trinita, dans la chapelle Sassetti, les épisodes grandioses de la Vie de saint François. C’est, de 1485 à 1490, à Santa Maria Novella, les légendes de la Vie de la Vierge et de la Vie de saint Jean-Baptiste superposées sur les hautes parois du chœur, aux frais des Tornabuoni. Ces dernières et magnifiques scènes sont,