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intendance de l’armée d’Italie devint l’école précieuse où le futur secrétaire d’Etat acquit un rare degré de compétence dans les questions d’administration militaire ; il y fit l’essai de la plupart des réformes qu’il allait bientôt s’efforcer d’étendre à toutes les troupes du royaume. Sur chacune de ces réformes il avait des idées précises, tirées d’une expérience personnelle, sérieuse et prolongée, lorsque, presque au lendemain de la mort de Richelieu, il fut appelé au secrétariat de la Guerre par le cardinal Mazarin qui, ayant pu en Piémont apprécier ses rares talens, se hâta de le nommer à ces hautes fonctions, à la place de Sublet des Noyers, en qui, durant un moment, le nouveau premier ministre avait rencontré un compétiteur à la plus haute charge du royaume.


III

Pendant les vingt-trois années durant lesquelles Michel Le Tellier remplit effectivement l’emploi de secrétaire d’État de la guerre, son activité se porta de la manière la plus incessante et la plus minutieuse sur tout ce qui a trait à l’organisation de l’armée : direction et organisation générale du service ; discipline ; hiérarchie ; recrutement ; solde ; vivres ; logement ; étapes ; équipement ; hôpitaux ; armes spéciales.

Déjà Richelieu, comme nous l’avons rappelé, avait abordé la plupart de ces importantes questions ; mais par cela même que l’action de son puissant génie devait se partager entre d’innombrables affaires ayant trait à la politique tant intérieure qu’extérieure, à l’administration générale du royaume, à la guerre étrangère, aux intrigues de cour, aux soulèvemens des protestans et de la noblesse, et à tout le reste, il lui était impossible de pénétrer quotidiennement dans mille détails qui ne prennent leur exacte valeur et qu’on ne peut faire concourir au bien de l’ensemble qu’autant que, par une longue pratique, on est parvenu à en acquérir la connaissance parfaite. Telle fut, sur ce terrain spécial, la supériorité de Michel Le Tellier, et, après lui, celle de Louvois. L’un et l’autre, grâce à l’étude et à l’expérience des faits, ils acquirent une science approfondie de leur métier de ministres de la guerre et en firent largement profiter l’organisme si complexe, dont ils avaient à assurer le fonctionnement régulier. Leur pensée directrice fut que la royauté aurait d’autant