Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/680

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moment, dans toutes les circonstances où il y avait lieu de montrer que l’armée était bien celle du Roi, et que nulle autorité, nul pouvoir n’y pouvait exister en dehors de sa délégation souveraine. Lève-t-on des troupes, le commissaire leur fait aussitôt prêter le serment de bien et fidèlement servir Sa Majesté envers et contre tous. Un officier est-il nommé, c’est le commissaire qui « l’établit » et le présente à ses soldats. Un régiment, une compagnie changent-ils de garnison ou doivent-ils rejoindre l’armée, c’est le commissaire qui veille à ce que ces troupes suivent sans écart la route d’étapes qui leur a été tracée, à ce qu’elles reçoivent avec exactitude vivres et logement, à ce qu’elles obtiennent des municipalités et communautés ce qui leur est dû sans pouvoir en exiger davantage, à ce qu’elles ne commettent sur leur chemin ni exactions, ni dégâts. A l’armée, le commissaire doit résider « à la suite d’icelle » partout où elle se portera. Au moins une fois par mois, il fait des revues de troupes, les comptant « homme par homme, soit lorsqu’elles marcheront ou passeront en quelque district ou passage de rivière, soit dans leurs quartiers ou allans aux gardes, et autres occasions où elles seront commandées et où il pourra sçavoir plus certainement leur force. » Sur un registre spécial il note les noms des chefs et officiers présens, les noms et surnoms et les motifs de leur absence ; il établit « des roolles de signal desdites trouppes, en sorte qu’avec le temps il connaisse tous les officiers et soldats d’icelles, qui est le but qu’il doit avoir pour empescher les abus ordinaires, au fait des revues, » ordonnant, avant de procéder à celles-ci à tous les passe-volans et « gens empruntez de sortir des rangs et aux capitaines de les expulser. » Ces fraudes étaient si nombreuses, si fréquentes que, près d’un quart de siècle après les premières et déjà si sévères mesures prises contre elles, Coligny Saligny, en novembre 1664, écrivait encore à Le Tellier : « Il est vrai qu’il y a bien de l’abus dans les revues ; mais c’est un mal bien invétéré dans l’infanterie et les commissaires mesmes y sont attrapez, tant les officiers sont ingénieux à déguiser les valletz et passevollantz ; après-demain je feray faire reveue et surprendray les troupes, quand elles en debvraient enrager. »

Non seulement en cela, mais en toutes choses, le commissaire devait, sans relâche, tenir la main à ce que les ordonnances fussent respectées « par les habitans des lieux et par les gens de