Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/691

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il n’y en a point, » Le Tellier parvint peu à peu, à force de persévérans efforts, à régler cette question, dont Mazarin, tout en l’ajournant sans cesse, signalait l’importance, quand il écrivait, en 1648 : « Les armées ne pouvant être payées se déferont et les ennemis, sans coup férir, nous ôteront, en peu de temps, ce que le cours d’années victorieuses et pleines de bonheur nous a donné, et tant d’argent consommé et tant de sang répandu n’aura servi qu’à la honte et à la confusion de cette nation. »

Mais, si Le Tellier réussit à régulariser le paiement de la solde, qui avant lui n’était très souvent que l’exception, il voulut du moins que le Roi, qui payait « des deniers de son épargne, » sût exactement ce qu’il devait débourser et que les soldats fussent assurés de recevoir ce qui leur était attribué. Aux termes de l’ordonnance générale du 20 juillet 1660, la somme allouer aux officiers et soldats d’infanterie pour toute solde, « pain et ustancille[1] » fut donc ainsi réglée : le capitaine reçoit par mois 75 livres ; le lieutenant, 30 ; l’enseigne, 22 livres 10 sols ; le sergent, 15 livres 10 sols ; le caporal, 10 livres 10 sols ; Lanspessade (grade intermédiaire entre le caporal et le soldat), 9 livres ; le soldat, 7 livres 10 sols.

Dans la cavalerie, où le cavalier n’avait pas droit au pain pour lui-même et au fourrage pour sa monture (on déduisait le fourrage, lorsqu’on le fournissait à la cavalerie), la solde variait suivant les corps (gendarmes, cavalerie légère, carabins, dragons) : de 400 à 300 livres pour les capitaines ; de 150 à 75 livres pour les lieutenans ; de 112 livres 10 sols à 50 livres pour les cornettes, de 75 à 30 livres pour les maréchaux des logis ; elle était pour le gendarme de 37 livres 10 sols ; de 25 livres 10 sols pour le chevau-léger ; de 22 livres 10 sols pour le carabin ; de 18 livres pour le dragon[2].

Désormais il fut interdit aux officiers, qui trop souvent jusqu’alors détournaient à leur profit la solde de leurs hommes, de faire la recette et dépense des contributions destinées à la solde des troupes. » C’est aux commissaires qu’il incomba « de payer aux troupes le montant de la solde et de contrôler constamment

  1. On désignait sous ce nom ce que l’hôte était forcé de fournir au soldat qui logeait chez lui. L’ustancille comprenait le garni, l’usage des ustensiles de cuisine indispensables à la troupe, le feu, le sel, la chandelle.
  2. On voit combien est risquée, ainsi que plusieurs autres, du même auteur, cette assertion de Camille Rousset « qu’avant Louvois, la solde n’était ni fixe, ni régulièrement payée. » (Histoire de Louvois, t. I, p. 195.)