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il propose un de ses cavaliers pour rapporter la réponse plus vite ; et cassant : « S’il rompt maintenant, ce n’est pas pour renouer un de ces jours. » Déjà il craint, — ou fait mine de craindre, — d’avoir été « roulé, » aggirato. « Roulé » par Soderini : César y met de la complaisance ! Mais, quoique flatté peut-être au fond, Soderini est le premier à ne pas le croire. Il sent que César n’est pas content, qu’il demeure en suspens, que sans doute il prépare ou médite quelque coup ; même évêque et ambassadeur, il aime mieux être loin des prises du « victorieux et formidable » duc ; et, dès qu’il obtient son congé, il ne s’attarde pas sur la route de Bagno.


II

Cependant les condottieri s’agitent. Les Orsini abandonnent César ; quatre d’entre eux, « le cardinal Ursino, le seigneur duc de Gravina, le seigneur Paulo et le seigneur Frangiotto, » messer Ermes Benlivogli de Bologne pour messer Giovanni, son père, messer Antonio da Venafro et ser Guido pour Pandolfo Petrucci de Sienne, messer Gentile et Giovanpaolo Baglioni se rencontrent, un samedi d’octobre, à la Magione près de Pérouse. Vitellozzo Vitelli, malade, s’y fait porter dans son lit. On escompte les adhésions du duc d’Urbin et de Bartolommeo d’Alviano. Celle de la préfétesse de Sinigaglia est acquise. L’un des conjurés, Giovanpaolo, fait part en ces termes de ce qui a été résolu :


Samedi passé, Orsini, messer Giovanni, Pandolfo, Vitelli, et nous autres, pour le salut de tous, et pour n’être pas un à un dévorés par le dragon, nous sommes unis et ligués ensemble en bonne forme, et nous trouvons 700 d’hommes d’armes juste en blanc, avec un grand nombre de chevau-légers et fantassins. Dieu veuille illuminer l’esprit de mes Seigneurs à concourir avec les autres à l’établissement et augmentation de leur liberté et [de celle] de toute l’Italie ; qu’on espère sous cette mère sortir bientôt de soucis et de crainte. Pourtant il en sera ce que Dieu voudra ; et nous autres nous avons fait projet de mourir tous à cet effet ; et de toute manière ceux qui resteront après nous auront d’autant plus de peine, qu’on n’aura rien tenté pour leur libération. J’ai envoyé aujourd’hui tous mes chevau-légers à Ogobbio, et demain les hommes d’armes ; et ainsi a fait Vitellozzo et feront les L’rsini ; et en effet nous avons une bonne fois passé en armes le fleuve Rubicon, et effecti sumus hostes ; mais Dieu sait que inviti.


Les seigneurs dont Giovanpaolo Baglioni prie Dieu « d’illuminer l’esprit » ne sont autres que la Seigneurie de Florence,