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il a bien voulu reconnaître que son attitude à Algésiras avait été correcte et légitime. Nous souhaitons que ces paroles effacent à Rome le souvenir de certaines manifestations qui n’étaient empreintes ni de la même justice, ni de la même sérénité. Mais, cet hommage une fois rendu à son alliée, M. de Bülow a ajouté : « Les hommes politiques italiens de tous les partis sont sincèrement pacifiques. Aussi longtemps que l’Italie tiendra fermement et loyalement à la Triple alliance, elle contribuera déjà par là au maintien de la paix pour elle et pour les autres. Si elle s’en détachait, ou si elle suivait une politique chancelante et équivoque, cela augmenterait les chances d’une grande et générale conflagration. » Pour y mettre plus de précision, M. de Bülow a dit encore : « La Triple alliance a cet avantage quelle rend impossible tout conflit entre les trois puissances alliées. Si l’Italie et l’Autriche n’étaient pas alliées, leurs relations pourraient bien être tendues. » L’Italie, qui n’a nullement l’intention de se détacher de la Triple alliance, a accueilli comme il convenait l’avertissement qui lui était donné. Mais on conçoit que, cette fois encore, l’opinion allemande ait été quelque peu troublée, en constatant que M. de Bülow avait jugé cet avertissement indispensable. Ce n’est guère qu’à l’égard de l’Autriche-Hongrie que le chancelier de l’Empire n’a eu que des paroles de satisfaction à prononcer ; et, malgré cela, son discours n’a produit nulle part une plus médiocre impression qu’à Pest. Les Hongrois sont exigeans ! Ils accusaient M. le comte Goluchowski d’avoir trop étroitement subordonné sa politique à celle de Berlin, et ils n’ont eu de cesse qu’après avoir obtenu sa démission. Puisse son successeur, M. le baron d’Ærenthal, dont on dit le plus grand bien, les trouver plus favorables et découvrir la formule magique, qui conciliera tant d’intérêts divergens ! Nous ne parlerons pas du passage de son discours que M. de Bülow à consacré à la Russie : il n’y est guère question que des affaires intérieures de ce pays, et ce que le chancelier a dit de l’état de ses négociations avec l’Angleterre présente ces négociations comme plus avancées que nous ne les avions crues.

Il est, on le voit, assez naturel que le discours de M. de Bülow ait laissé en Allemagne l’opinion hésitante. Tenons notre épée aiguisée, a conclu l’orateur. Ce n’est pas ce mot qui inquiète ; il est devenu un peu banal ; il semble être le leitmotiv obligé de tous les discours allemands. Nous devons tous tenir notre épée aiguisée, en attendant l’ère du désarmement universel qui ne semble pas prochaine, et que les déclarations du chancelier n’ont pas sensiblement rapprochée de notre horizon. Les dangers qui ont paru avoir, il y a quelque temps, un