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caractère presque immédiat, ne l’ont plus aujourd’hui ; mais l’inquiétude n’en est pas encore tout à fait dissipée. Aussi devons-nous autant que jamais conserver la liberté de notre politique, et ne l’engager dans aucune affaire qui pourrait nous imposer trop d’occupations.

Cette observation se rapporte au Maroc L’amiral Touchard attend à Toulon les instructions définitives du Gouvernement pour se rendre à Tanger à la tête d’un détachement de notre escadre méditerranéenne. Son départ est retardé de quelques jours par une crise ministérielle survenue très inopportunément à Madrid. Le tout, en effet, a été préparé de concert avec l’Espagne, qui a les mêmes intérêts, ou plutôt les mêmes devoirs que nous, et a été certainement soumis au jugement des puissances qui ont été représentées à la conférence d’Algésiras.

Nous sommes fort loin de blâmer les mesures prises ; elles étaient indispensables ; elles étaient impérieusement exigées par l’état d’anarchie violente où est le Maroc. Mais il importe, en la précisant, de limiter la portée de notre action éventuelle. Nous disons éventuelle, parce que nous désirons, sans l’espérer beaucoup, que la menace suffise et qu’il n’y ait pas lieu d’en venir à l’exécution. Il est certain que la situation de Tanger est intolérable. Chaque jour les nouvelles apportées par le télégraphe la présentent comme devenant plus grave, et on ne pourrait la laisser s’aggraver encore sans courir la chance, et, sans assigner dans une certaine mesure la responsabilité des pires incidens. Le mal tient surtout à la présence et à la puissance de Raissouli, non seulement dans les environs de Tanger, mais dans, la ville même où ses émissaires s’arrogent le droit de haute et de basse justice, se livrent à toutes sortes d’excès et tiennent le gouverneur en échec dans la maison qui lui sert encore plus de prison que de forteresse. La conférence d’Algésiras a chargé la France et l’Espagne d’organiser la police dans huit ports de mer, tantôt séparément, tantôt conjointement : ce dernier cas est celui de Tanger. La police future doit être marocaine, avec des cadres français et espagnols. On verra plus tard ce que vaudra cette organisation : ce serait peut-être pour elle une épreuve délicate de se trouver dès le premier jour aux prises avec les bandes de Raissouli. Au surplus, elle n’existe pas encore : elle ne pourra être mise sur pied que dans quelque temps, lorsque la Banque d’Etat entrera elle-même en exercice et fournira au Maghzen de l’argent pour la payer. Jusque-là pourtant il faut vivre ; il faut faire un peu d’ordre quand même ; il faut rétablir un peu de sécurité. Si la France et l’Espagne n’ont pas un mandat formel pour s’acquitter de