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Les heureuses récoltes de 1842, 1843 et 1844 avaient permis aux affaires de se développer, et la réserve métallique de la Banque d’Angleterre, qui était tombée en 1841 à 4 millions de livres sterling, s’était relevée progressivement jusqu’à dépasser 16 millions en 1843. Le taux de l’escompte, qui, pendant la crise précédente, était monté à 6 pour 100, s’était abaissé peu à peu jusqu’à 1 pour 100 en 1843 et les Consolidés 3 pour 100 avaient atteint le pair en 1844. Il y avait surabondance de capitaux. Aussi la spéculation accourt-elle ; elle s’occupe d’abord de multiplier les banques (joint stock banks) fort à la mode alors : puis, comme c’était l’époque de la première mise en œuvre de l’invention des chemins de fer, l’Angleterre s’y lance à corps perdu. Le Parlement, à lui tout seul, vote une dépense de 8 ou 9 milliards de francs pour les railways. Les actions de toutes sortes s’enlèvent à des primes considérables ; d’effective, la prospérité devient artificielle ; le moment du krach n’est pas loin. En effet, le taux de l’escompte tend à s’élever, il monte à 3 pour 100 en 1845 et voilà qu’en 1846 la récolte des pommes de terre manque en Irlande et que le déficit de celle des céréales commence à se faire sentir ; une seconde mauvaise récolte en 1847 fait monter les cours du blé de 70 à 105 shillings ; c’est le caillou qui va faire verser le chariot trop lancé. La manie des chemins de fer ayant converti le capital flottant en capital fixe, il faut payer en numéraire les importations de céréales, et la réserve métallique tombe rapidement de 16 millions à 14 millions de livres ; les appels de fonds sur les actions de banques et de chemins de fer deviennent pénibles, le papier présenté à l’escompte est surabondant, l’encaisse de la Banque s’abaisse jusqu’à n’atteindre que 8 millions de livres en octobre 1847, en même temps que le portefeuille s’élève à 21 millions de livres, malgré la hausse progressive de l’escompte jusqu’à 8 pour 100 à la Banque et bien au-dessus en dehors d’elle. C’est le krach, c’est la chute et la ruine de tout ce qui est factice ou exagéré.

Sous la pression de l’opinion publique, le gouvernement anglais avait été obligé de suspendre l’acte de 1844 relatif à la Banque. L’enquête que le Parlement ouvrit à ce sujet dès 1848 permit de constater officiellement que la limitation de l’émission des billets de banque n’empêche point les crises et qu’elle les aggrave au contraire, au moment de leur explosion. Le manque