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Un grand enseignement, au point de vue financier, ressort de cette crise ; il permet même d’espérer que l’intensité des krachs futurs ira en diminuant jusqu’au moment où ils disparaîtront complètement pour ne faire place qu’à des mouvemens plus modérés dans l’alternance des périodes de prospérité et de dépression des affaires. L’Angleterre a parfaitement compris la nature du remède qu’il faut appliquer dès les premiers symptômes de la maladie. Il ne faut point avoir recours à des mesures législatives plus ou moins restrictives ou arbitraires ; il n’y a pas lieu de restreindre la circulation des billets de banque, il est inutile de se préoccuper des comptes de dépôt ou des comptes courans ; il faut uniquement agir sur le crédit, savoir le proportionner à la situation du moment et cela se fait d’une seule manière : par la hausse ou la baisse du taux de l’escompte. Le tout est de savoir le faire à temps, et nous sommes heureux de rendre justice à la Banque d’Angleterre en reconnaissant qu’elle sait de mieux en mieux manier cet instrument. Au moindre signe, nous ne disons plus de danger, mais seulement de perturbation, elle élève son taux et nous serions plus exacts en disant ses taux, car elle a soin alors de surtaxer le papier qui lui paraît comporter les affaires les moins normales, les finance-bills. En France, nous sommes avant tout égalitaires, nous nous révolterions à l’idée que notre Banque officielle pût faire entrer dans son taux d’escompte une sorte de prime d’assurance variable selon le risque couru ; nous sommes hypnotisés aussi par l’avantage certainement fort appréciable d’offrir à notre commerce un taux d’escompte presque invariable et nous cherchons le remède dans le rejet pur et simple du papier qui ne plaît pas et surtout dans le recours au système quelque peu vieillot de la protection de l’encaisse par le refus de l’or que l’on remplace dans ces circonstances par nos écus de 5 francs, vrais billets de banque métalliques !

La période prospère qui succéda à la liquidation de la crise de 1873 dura jusqu’en 1882. Ce fut la France qui, dans ce nouveau cycle, donna l’exemple des plus grandes exagérations. Est-il nécessaire de rappeler la croisade en faveur de la Banque catholique qui, sous la forme de l’Union générale, fut entreprise par M. Bontoux, mais, ironie du sort, dirigée par un protestant genevois !

M. Juglar, armé de l’examen des bilans de la Banque, n’eut