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est arrivé ainsi au total de 3 milliards 600 millions qui montre combien les affaires sont actives actuellement. Mais comme ces bases nouvelles produisent une courbe sensiblement parallèle à celle de notre diagramme, nous avons préféré conserver celui-ci qui est plus simple. Le système de M. Fardé aurait cependant l’avantage d’assurer à notre tableau un résultat tout à fait symétrique d’un bout à l’autre, puisque, en l’établissant de cette manière, nous trouverions que la crise de 1900 s’est produite comme toutes les précédentes au moment où le portefeuille dépassait l’encaisse, et nous trouverions qu’il la dépasse de nouveau aujourd’hui.

Le second élément que nous ne devons pas négliger consiste dans les proportions extraordinaires que notre encaisse or à prises à la suite des découvertes du Transvaal et surtout parce que nous n’avons pas su suivre suffisamment les pays anglo-saxons dans l’art moderne d’effectuer le règlement des transactions commerciales et financières. Nous ne savons pas user du chèque comme les Anglais et les Américains, qui, non seulement l’appliquent dans les grandes affaires, mais l’utilisent aussi pour la majeure partie de leurs dépenses de ménage ; nous nous servons beaucoup trop du numéraire et des billets de banque. Nous sommes aussi, depuis 1870, hypnotisés par l’idée d’avoir dans l’encaisse de la Banque de France un trésor de guerre toujours prêt que nous défendons et accroissons même sans cesse en recourant, d’une part, à des autorisations législatives de plus en plus étendues et de moins en moins scientifiques pour l’émission des billets de banque et, d’autre part, à la vieille méthode, en cas de tension monétaire, du paiement en écus d’argent plutôt qu’en pièces d’or. En outre, le désir de favoriser le commerce français par un taux d’escompte presque invariable et toujours modéré est certainement très louable et peut se défendre légitimement, mais il oblige à restreindre arbitrairement les bordereaux d’escompte quand la situation s’aggrave, et il est contraire à la science moderne qui a reconnu dans les variations du taux de l’escompte le vrai régulateur du crédit. Hâtons-nous d’ajouter que notre critique du système français est heureusement, contrebalancée par la haute valeur du conseil de régence de notre Banque et de son éminent gouverneur actuel. Leur politique libérale et avisée vient d’en donner une nouvelle preuve dans ces dernières semaines.