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enfant. Hélas, mon ami ! depuis que tu ne m’en donnes plus, elles sont bien rares. Mais patience, il faut comme tu dis attendre le bon temps quand on est dans le mauvais… Adieu, mon tendre ami, je t’embrasse mille fois de tout mon cœur.


Au Bignon, le 24 octobre 1174.

… J’ai écrit à Mme la comtesse de Vence et au marquis de Tourettes. Je rends compte à cette première à peu près de toute ma conduite et de ma façon de penser. Je voudrais bien que cette confiance m’attirât quelques conseils de sa part. J’ai écrit plusieurs fois à mon père depuis que je suis ici, mais je n’en ai eu qu’une seule et unique lettre.

J’ai été frappée, mon ami, de la patience avec laquelle tu prends ta triste situation. Personne n’a plus de force d’esprit que toi dans le malheur. J’aurais lu bien volontiers quelques pages de ta lettre à Mme de Pailly, car je sais à n’en pouvoir pas douter que ton père ne demande pas mieux que de savoir ce que tu me mandes, mais qu’il n’en veut pas avoir l’air vis-à-vis de moi. Ainsi, quand je serai à Paris, je ne manquerai pas d’en lire ce qu’il faudra à Mme de Pailly, qui réellement s’intéresse fort à toi. Je suis sûre qu’elle s’est fait brusquer très fort par ton père en lui demandant même avec importunité ton rappel ; et si tu connais bien ton père, tu dois savoir qu’il n’aime pas qu’on l’importune. Écris-moi un article de remerciemens et de choses flatteuses comme tu sais si bien les dire pour Mme de Pailly ; je te réponds que cela fera fort bien et l’encouragera. Une chose qui a merveilleusement fait dans son esprit et qu’elle a fait valoir à ton père, outre les peintures que je lui en ai faites moi-même comme d’abondance de cœur, c’est tes refus des offres de ta mère. Je te répète, mon ami, que tes affaires ne sont point en mauvais état. J’espère que ceci sera la dernière angoisse que tu éprouveras. Ton père est toute la journée à me faire des contes de ta jeunesse, et très souvent à ton avantage ; et puis il fait des projets pour l’avenir, et il n’a point renoncé à l’espoir de faire faire une donation à ta mère, à laquelle je suis moralement sûr qu’il te nommera. Pour Mme de Cabris, personne n’ose prononcer son nom ; et en effet, je t’assure que c’est une méchante femme. Il n’y a point d’horreurs qu’elle ne nous ait faites, et principalement à toi. Je te détaillerai tout à la première vue. Mais ce que je puis te dire, c’est qu’elle ne mérite pas ton amitié, ne fût-ce que par la raison qu’elle est incapable d’en avoir pour qui que ce soit. Adieu, mon bon et tendre amour, je t’embrasse de tout mon cœur. Quand sera-ce tout de bon ?


Au Bignon. le 28 octobre 1774.

… Je n’entends point l’endroit de ta lettre où tu me parles de l’union que je dois sceller de tous les nœuds de l’amour et de l’amitié, et je ne puis deviner quelle est la personne que cela regarde[1]. Je te serai bien obligée de me l’expliquer. Mon fils se porte à merveille, il rit tout le jour et appelle continuellement papo et mame. Je brûle véritablement du désir de le voir. Quand pourrai-je joindre son pauvre petit museau avec le nez froncé du

  1. Le mousquetaire Gassaud.