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furent noyés à l’aide de fourches en bois afin que leur sang sacré ne fût pas répandu par la main d’un sujet.

En considérant le caractère militaire et féodal des Hovas, on mesure, avec leur supériorité, combien ils diffèrent des autres races malgaches, ainsi que de celles que nous avons prises comme types parmi les populations de la côte et de la forêt, les Betsimisarakes et les Tanales. Mais quand on les examine à l’abandon dans leurs cases, ces maisons de style cambodgien dont l’élégante simplicité a un dessin presque norvégien, on est surpris de les voir se laisser enfumer comme des sauvages, leurs hautes formes blanches accroupies contre le feu : ce sont des frileux, sans cesse tremblant dans leurs pagnes trop légers et humides, ces émigrés qui n’ont pu s’acclimater ni à la température, ni au sol, car ils s’impaludent plus encore que l’Européen, même sur le Plateau Central. Ils sont donc restés des étrangers mais des maîtres, car leur capitale, unique dans toute l’île, domine le pays et s’attire l’admiration de tous les Malgaches.

Tananarive est, par excellence, et à vous en laisser une image typique et obsédante, la Ville Rouge. La permanence des tons pourprés des maisons, leur architecture pointue, les raidillons qui chutent entre de hautes parois de murs orange déchirés par des touffes d’aloès, font vivre l’imagination dans une vision de métropole mexicaine ou péruvienne. Au milieu de ces maisons de terre percées de rares ouvertures sombres qui semblent des trous de fourmilières, on voit circuler comme des termites blancs mille petits points clairs qui se déplacent, se rejoignent, se croisent ; on en voit dans les portes, on en voit à la file dans les sentiers à pic, on en voit attroupés sur la route et au bord du lac : c’est l’impression d’une grande termitière rouge en travail. Elle est surtout frappante quand on découvre de haut le Zoma (marché) qui, avec son alignement de toits de paille d’un gris de nids de guêpe, grouille d’un monde blanc de larves piquées de têtes noires.

Du haut du Rova (palais), des suprêmes terrasses de la colline de Tananarive, on domine de toutes parts l’Emyrne, qui, ainsi, est bien « le pays élevé, d’où l’on voit de loin, qui est vu et découvert, » comme l’indique son nom. On est d’abord saisi d’une ivresse grandiose d’espace et de vent et, dans l’air toujours claquant de fortes bourrasques, l’on a seulement la sensation vertigineuse de dominer le royaume rouge qui, tout nu, s’étend