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autour du lac Anosoy hexagonal, quand l’alluvion est soulevée et cassée en mottes épaisses, quand, dans la terre noire retournée, les canaux rectilignes luisent comme l’acier des socs. Lentement la nutritive graminée croît ; sur la plaine rayée comme une soie malgache les semis verts allongent leurs brins, tressent leurs nuances émeraudées et dorées, au milieu desquelles les robes des indigènes parsèment des points blancs piqués là-dedans comme les perles dans les rayures des très vieux lambas royaux. Et c’est bien ainsi, comme il apparaît par le style des Tantara ny andriana, que les yeux des monarques javanais, aimant contempler leurs terres autant qu’ils adoraient s’envelopper d’étoffes aux nuances entre-croisées, voyaient leur immense et précieux domaine.

Cette situation privilégiée entre les douze collines qui se soulèvent au centre de l’Imerina valut à Tananarive d’être choisie pour capitale par le roi Andrianampoïnimerina. Et lui-même autour d’elle soumit les provinces et, ayant créé l’unité hova, fit rayonner la puissance hova. Il attesta dans cette œuvre un génie audacieux et fécond qui sut donner à son peuple une prospérité dans le travail dont il garde fidèlement le souvenir, persuadé qu’elle ne reviendra jamais plus. Il reste dans les mémoires pieuses l’Ancêtre entre tous sacré ; il est l’expression la plus haute du génie d’une race abâtardie, mais souple et riche de mille aptitudes. Sa vie est l’illustration de ce génie, elle en fait mesurer la variété ; et, en éveillant le respect pour un passé admirable, elle est plus suggestive que rien autre pour la méditation de l’avenir.

Il naquit à Ambohimanga (vers 1745). L’heure, le jour, le mois l’annoncèrent « belliqueux et redoutable » à la superstition de tout le village. De tels présages imposent ordinairement à l’enfant un nom désagréable, choisi intentionnellement assez laid pour repousser le sort. Il entra donc dans la vie avec le nom de Ramboa, ce qui veut dire chien, et dès ses premiers pas, d’heureux augures se levèrent autour de lui. De grands amontanas noirs au feuillage dur, tordant des branches étendues et pesantes comme chargées de passé, portant cimentés entre leurs racines tortueuses les fondemens des cases royales et dans leur frondaison des nichées d’éperviers, oiseaux royaux, paraissant eux-mêmes être les descendans d’une puissante dynastie végétale, ombragèrent son enfance de petit-fils de roi, tour à tour