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défendre sa vie. Un jour que l’oncle excédé, décrétant ouvertement sa mort, fit porter à sa case le cercueil d’argent qui devait contenir ses restes, on ne trouva plus Ramboa. Loin d’Ambohimanga, s’étant exilé lui-même, il errait dans la plaine. Or il advint qu’il s’arrêta près d’une rizière et qu’il y eut là un homme d’Ambohimanga pour lui dire, après l’avoir interrogé : « Ne t’en va pas, tu seras roi. » Une révolution éclata alors spontanément dans ce sombre village de pierre où sous la royauté une conspiration emmêlait depuis longtemps de secrètes racines. Le Chien fut sacré roi. Dans l’ombre de son avènement, il y eut des meurtres : un de ses oncles, suspect de lui avoir été défavorable, précipité de son lit, fut maçonné dans un tombeau ; et le peuple révolté tira une cruelle vengeance du roi découronné. Elle était close la douloureuse période de sa vie que Ramboa décrivait de la sorte sur un rythme de lamentation : « Il m’a fallu balayer l’emplacement environnant la maison. Il m’a fallu lutter contre ceux qui assiégeaient ma porte pour installer mon ménage. J’ai vomi et le foie et le fiel avant de pouvoir acquérir ce que je possède. J’en ai vu de dures, et j’ai mangé la chair et bu le sang d’animaux inconnus. »

Ramboa roi, ainsi était accomplie la volonté de l’aïeul, qui le premier avait eu pour rêve l’unification de l’Emyrne, le groupement de toutes les collines puissantes arrondies en cercle sur le plateau, et dont les roitelets ne cessaient de guerroyer pour se voler les troupeaux. C’était non seulement le rêve de l’aïeul, mais, pour ainsi dire, la traditionnelle aspiration du village même, qui, ayant déjà réussi en soi une concentration de coteaux, souhaitait centraliser la contrée.

Derrière les cases royales, au sommet d’Ambohimanga, il est un endroit où les arbres reculant devant un précipice, l’on se trouve soudain par-dessus l’abîme en face d’un pays immense : des vallées descendent sur la plaine avec des inclinaisons de lignes symétriques, les mamelons répètent des formes identiques dans des ombres égales ; les collines courbes se subordonnent dans une harmonie profonde ; les villages qu’on aperçoit sur les hauteurs dans leurs enclos d’argile occupent une place analogue : tout concorde au spectacle d’une admirable unité de terre. La nudité de l’espace invite l’âme à le posséder ; la distance s’efface, tant la limpidité de l’air met le rêve à portée de la main. Le rouge avec ses chaloiemens illumine le cœur d’une