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III

Le nom de physiologie générale n’est pas significatif ; il exprime mal la nature d’une science alternativement statique et dynamique qui considère également l’activité et la structure de la matière vivante. Son objet est l’étude de la vie, de la vie considérée comme l’attribut universel des animaux et des plantes, sans distinction de règne, d’embranchement, de classes, de familles, de genres ni d’espèces ; c’est l’étude de la vie élémentaire, du fonds vital.

Et d’abord, il fallait établir l’existence et la nature de ce fonds vital, de ce quelque chose de commun que le sentiment instinctif des hommes a soupçonné et qui est impliqué dans l’appellation équivoque d’êtres vivans appliquée aux animaux et aux plantes.

Nous avons dit que Claude Bernard, — dont le nom symbolise ici un groupe de savans dont il fut le plus éminent, — l’avait fait. Déjà avant 1868, « sous les déguisemens des formes vivantes, il avait reconnu l’existence d’un fonds identique[1] ; » son oreille exercée avait saisi, « à travers l’instrumentation surchargée de l’œuvre vitale, le bourdonnement reconnaissable d’un thème constant. » Dès cette époque, il n’avait plus qu’à suivre les preuves d’une vérité que son intuition et son expérience lui avaient révélée. Pour passer à la démonstration et établir que les plantes et les animaux vivent de la même manière, il a su pénétrer jusqu’au fond intime des fonctions vitales, jusqu’aux conditions fondamentales de la nutrition, de la respiration, de la digestion, et les montrer réalisées d’une manière identique, partout et toujours, d’un bout à l’autre du règne vivant.

L’illustre physiologiste a rempli ce programme dans les six années qui s’écoulèrent de 1869 à 1875, et les résultats de ce travail considérable sont exposés dans son livre sur Les phénomènes de la vie commune aux animaux et aux plantes. Il est extraordinaire que cette œuvre grandiose où Cl. Bernard, suivant une marche à la fois ferme et, savante, a déployé tant de ressources, soit inconnue des écrivains d’aujourd’hui au point qu’ils en prennent les conclusions pour le pastiche de quelque nouveauté contestable.

Il y a donc quelque trente ans qu’ont été fixés les traits nécessaires, permanens, communs aux êtres vivans. Faire connaître isolément ces traits et les synthétiser ensuite en un tout, c’est définir la vie

  1. Revue physiologique, mars 1879, p. 299.