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de Charles Ier avec les signatures exactement imitées de tous ses juges, et je regardai avec curiosité celle de Cromwell, qui, jusqu’au commencement de ce siècle, a pu passer pour un audacieux et habile usurpateur, mais qui ne mérite pas de nos jours l’honneur d’être nommé.

Après m’avoir accompagné, je crois jusqu’à Carlisle, Mlle Wauchope me quitta, en me donnant pour dernier conseil de ne plus faire de folies pareilles à l’escapade qui lui avait valu le plaisir de me revoir. De là je continuai ma route ayant précisément de quoi arriver chez M. Bridges, où j’espérais trouver de nouvelles ressources, et toujours plus satisfait de mon genre de vie, dans lequel, je m’en souviens, je ne regrettais qu’une chose, c’était qu’il pût arriver un moment où la vieillesse m’empêcherait de voyager ainsi tout seul à cheval. Mais je me consolais en me promettant de continuer cette manière de vivre le plus longtemps que je pourrais. J’arrivai enfin à Wadenho où je trouvai tout préparé pour ma réception. M. Bridges était absent, mais revint le lendemain. C’était un excellent homme, d’une dévotion presque fanatique, mais tout cœur pour moi qu’il s’était persuadé, sans que je le lui dise, être venu tout exprès de Paris pour le voir. Il me retint chez lui plusieurs jours, me mena dans le voisinage, et remit mes affaires à flot. Parmi les gens auxquels il me présenta, je ne me souviens que d’une lady Charlotte Wentworth, d’environ soixante-dix ans, que je contemplai avec une vénération toute particulière, parce qu’elle était sœur du marquis de Rockingham, et que ma politique écossaise m’avait inspiré un grand enthousiasme pour l’administration des Whigs dont il avait été le chef.

Pour répondre à toutes les amitiés de M. Bridges, je me pliai volontiers à ses habitudes religieuses, quoiqu’elles fussent assez différentes des miennes. Il rassemblait tous les soirs quelques jeunes gens dont il soignait l’éducation, deux ou trois servantes qu’il avait chez lui, des paysans, valets d’écurie et autres, leur lisait quelques morceaux de la Bible, puis nous faisait tous mettre à genoux et prononçait de ferventes et longues prières. Souvent il se roulait littéralement par terre, frappait le plancher de son front et se frappait la poitrine à coups redoublés. La moindre distraction pendant ces exercices, qui duraient souvent plus d’une heure, le jetait dans un véritable désespoir. Je me serais volontiers pourtant résigné à rester indéfiniment chez