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toujours ; ils faisaient le geste de lever le coude : le pêcheur avait compris et, dans l’espèce d’hypnose où le plongeait la pensée de ces deux chopines fascinatrices, n’hésitait pas à préférer un prix inférieur accompagné d’une abondante distribution d’eau-de-vie à un prix supérieur, mais sans accompagnement d’eau-de-vie.

Chaque année, dans les trois ports d’Audierne, de Concarneau et de Douarnenez, il était distribué de la sorte par les mareyeurs et les chefs d’usine pour 75 000 francs d’alcool pur ! Enfin, les efforts personnels de M. de Thézac, sa propagande inlassable et l’appui qu’elle rencontra dans les maisons Ouizille, Rodel et Chancerelle décidèrent quelques fabricans de conserves à supprimer ce honteux système de prime. Mais n’est-ce point trop déjà qu’il ait duré jusqu’en 1904 et que plusieurs ports bretons (Étel, Quiberon, Belle-Isle, Audierne, etc.) ne s’en soient pas complètement affranchis ?


IV

Justement émus par la gravité des événemens, quelques-uns de ces fabricans avaient adressé, l’année précédente, à tous leurs confrères de Bretagne et de Vendée, un pressant appel « afin de constituer un groupement d’études pour la recherche des remèdes susceptibles d’atténuer la crise sardinière. » La plupart des intéressés répondirent à cet appel. Trois congrès furent tenus ; trois remèdes proposés, dont deux ont été adoptés par les pouvoirs publics :

1° Organisation du crédit maritime ;

2° Protection des produits français.

Je parlerai plus loin du troisième remède, qui est la condition du succès des deux autres, qu’il eût donc fallu adopter le premier et auquel on ne recourra probablement pas. Les pêcheurs y sont hostiles : il suffit, — et la crainte de s’aliéner une clientèle électorale de cette importance retiendra longtemps nos députés.

Sur le premier des remèdes, en effet, tout le monde était d’accord. Les usiniers consentaient à n’être plus qu’usiniers et reconnaissaient qu’il appartient aux seuls pêcheurs de traiter, soit directement, soit par l’intermédiaire de leurs syndicats, avec les producteurs de rogue et les fabricans d’agrès et d’engins.