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étaient alors Latour, Lépicié, Lemoine et Tocqué, et qui tous avaient leur part dans les servitudes de cette vie commune. Plus tard Chardin vendit des tableaux 2 000 francs ; son ménage parvint à posséder environ 15 000 francs de rente. Dans ce revenu figurait une maison de la rue Princesse, qu’il louait 1 100 francs à Joseph Vernet en 1768. C’était le temps où Romney parcourait les comtés de l’Angleterre en faisant, pour 250 francs, des portraits qui en valent aujourd’hui 100 000.


VI

L’histoire pécuniaire des sculpteurs est plus difficile à connaître que celle des peintres. La matière première est presque nulle pour ceux-ci ; elle est pour ceux-là très importante. Les frais d’extraction et de transport des pierres et des marbres, la valeur des métaux dont se compose le bronze, le coût du modelage, entrent pour une bonne part dans le prix d’un buste, d’une statue ou d’un bas-relief. Il faudrait pouvoir comparer seulement le prix des façons dans la suite des âges, et non le prix des œuvres achevées, pour établir les purs salaires de l’artiste. Mais les chiffres que l’on recueille ne spécifient pas toujours à qui incombait la fourniture du marbre ou du bronze.

Ces dépenses absorbent aujourd’hui une grosse part de l’objet achevé ; elles représentaient autrefois une part plus grande encore. L’extraction du fameux marbre de Campan, dans les Pyrénées, auquel Versailles doit sa splendeur, fut suspendue à cause de sa cherté résultant des difficultés d’exploitation et de transport. Mais il a été remplacé au centuple par d’autres carrières françaises ou belges. Quant au Carrare, dont le blanc de première qualité est proprement le marbre « statuaire, » les produits des gisemens de cette province italienne ont quadruplé d’importance depuis un demi-siècle, et leur prix en France a baissé de près de moitié, au profit des marchands en gros qui ont su se servir adroitement des chemins de fer.

Des révolutions analogues ont eu lieu dans le coût du cuivre, dans les procédés de fonte et de modelage des bronzes, depuis l’année 1501 où Michel-Ange s’engageait à faire, pour 21 500 francs, 15 figures d’apôtres ou de saints destinés à l’autel Piccolomini au dôme de Sienne. Ce n’étaient que des statuettes, si l’on en juge par les trois ou quatre qui sont encore en place et elles revenaient