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pour atteindre la mer ; mais la ligne est longue, elle traverse la Macédoine où la sécurité est mal assurée, et elle appartient, sur tout le territoire turc, à la Compagnie des chemins de fer orientaux dont les capitaux et l’administration sont autrichiens. À l’Est, le Danube, dont les traités ont fait une voie neutre et internationale, et les chemins de fer bulgares et roumains conduisent vers la Mer-Noire, mer lointaine et fermée à double tour par le Bosphore et les Dardanelles. Pas de limites naturelles ; une capitale, où le gouvernement siège à bonne portée de canon de la frontière ; un territoire qui est loin d’embrasser l’ensemble des pays peuplés de Serbes ; partout, sauf au Nord, des voisins moins riches ou aussi pauvres ; voilà quelques-unes des conditions défavorables qui ont rendu plus pénible et retardé le développement économique et politique de la Serbie.

Dans une telle situation, il paraissait naturel que la Serbie demandât à la monarchie austro-hongroise l’appui politique et le concours économique indispensables à son existence ; plus Danubienne que Balkanique, elle cherchait ses relations plutôt vers les États chrétiens du Nord que vers les plaines ravagées de la Macédoine turque ; elle trouvait dans les villes de l’Autriche et de la Hongrie un marché où vendre ses porcs, son bétail, son blé, ses volailles, mais elle payait ces avantages par une étroite dépendance vis-à-vis de Vienne et de Budapest. L’Autriche-Hongrie, avant le conflit actuel, accordait à ses produits agricoles des tarifs de faveur qui constituaient en fait, entre le grand empire et le petit royaume, une véritable union douanière qui, pour l’un, comportait des profits politiques, et, pour l’autre, des profits commerciaux. Presque toute la production serbe, 80 p. 100 du total des exportations, franchissait la frontière hongroise et trouvait, de l’autre côté du Danube et de la Save, une vente assurée et des prix rémunérateurs. À un tel régime, le royaume serbe gagnait la sécurité, indispensable aux premières années de sa vie autonome, mais il risquait de perdre le goût de l’effort et de s’endormir dans la routine. Bien qu’en menaçant de fermer la frontière aux porcs, qui sont le principal article de l’exportation serbe, le cabinet de Vienne était sûr d’arrêter net, à Belgrade, toute velléité d’émancipation politique ; pour réduire les Serbes à sa merci, l’Autriche n’avait pas besoin de mettre en mouvement ses bataillons, elle n’avait qu’à mobiliser ses vétérinaires : et, sous prétexte d’épizootie, à prohiber l’entrée des