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de la réforme aux noms de personnes, de localités, de contrées : application déjà faite cependant en italien, parce qu’elle était inévitable, dès que l’habitude d’une certaine écriture courante des sons a été acquise. Or elle amène la déformation des noms propres et des noms géographiques.

Soit d’abord les noms de ville, de fleuve, de localité. Il faudrait écrire, d’après les règles phonétiques, pour les villes :

Lion, au lieu de Lyon ; Nansi pour Nancy ; Bordo pour Bordeaux ; Oser pour Auxerre ; Po pour Pau ; Orè pour Auray ; Mo pour Meaux, etc.

De même pour les fleuves :

Rin au lieu de Rhin ; Sone au lieu de Saône ; Rone au lieu de Rhône ; Ione pour Yonne ; de même, In pour Ain, etc.

Parlons maintenant des noms propres.

La suppression du ph et de l’h muette, obligerait à écrire :

Filip ou Filipe au lieu de Philippe ; Téofil au lieu de Théophile ; Arno au lieu de Arnaud ; Arto au lieu de Artaud ; For au lieu de Faure, ou Fort ; Tiéri au lieu de Thiéry ; Chovo au lieu de Chauveau ; Avé au lieu de Havet ; Ane au lieu de Hahn ; Osmane au lieu de Haussmann.

Ainsi on serait entraîné par les habitudes de la nouvelle langue Échanger l’orthographe d’une multitude de noms propres, au grand dommage de l’état civil des individus, et des familles. Ce changement général ne pourrait se faire d’ailleurs que par une loi, et avec une multitude de perturbations sociales.

Homophones et polyphones. — Voici l’une des difficultés les plus considérables de la langue écrite et de la langue parlée : ce sont les mots et les syllabes possédant la même prononciation avec des sons différens, leurs orthographes étant identiques ou dissemblables ; il s’agit des homophones. Une autre difficulté non moins grande répond aux mots et syllabes de même orthographe, avec prononciation différente : ce sont les polyphones.

Au point de vue de l’enseignement du français, et de la compréhension par les enfans et par les étrangers, il y a là une source de méprises perpétuelles. Les calembours en témoignent d’une façon comique.

Pour qu’une réforme de la langue fût vraiment efficace à cet égard, elle ne devrait laisser subsister aucune amphibologie de sens ou d’écriture. Cependant cet ordre de problèmes n’a guère été abordé par les réformistes ; ils se bornent d’ordinaire à affirmer