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en communion étroite avec elle ; elle est sa vraie conscience et il est fort de son amour.

Daniel Cortis vit plus dans la réalité, et même dans une réalité précise, puisqu’il est député au Parlement italien. C’est un jeune catholique ardemment religieux, épris d’action et désireux de progrès social. Il a, lui aussi, traversé sa crise de doutes et d’angoisses ; mais s’il n’est pas bien sûr devoir encore clairement son avenir politique, il s’est du moins rendu maître de ses sens et de sa volonté, et une idée austère du devoir domine sa conduite. Sans défiance et sans arrière-pensée, il livre ses confidences, ses espoirs et ses soucis à sa cousine Hélène qu’il a toujours connue et qui fut son amie d’enfance ; mais l’amie d’enfance est devenue une femme ; elle a épousé un joueur invétéré, d’esprit vulgaire et d’âme grossière, qui révolte toutes ses finesses et froisse toutes ses délicatesses. Elle aime passionnément Cortis, et si d’abord elle croit comme lui que leur amour ne les unira jamais que vertice et non radice, elle se sent bientôt glisser sans force sur la pente de la passion qui aboutit au don total de soi. Une circonstance imprévue, — une congestion qui frappe Daniel Cortis à la tribune de la Chambre, — les oblige à de fréquentes rencontres, à une complète intimité, lui affaibli par la maladie, elle soudainement contrainte à s’occuper de lui, à lui prodiguer ses soins, à lui rendre l’équilibre intellectuel et moral, alors qu’elle n’avait été forte contre sa passion qu’à condition de s’éloigner de son objet. Des intrigues assez compliquées font qu’Hélène est amenée à choisir enfin entre deux solutions : ou quitter l’Europe avec son mari qui s’est ruiné au jeu, ou le laisser acculé au suicide et devenir ainsi libre de se donner légitimement à Daniel Cortis. Elle part. Elle est brisée, prête à céder encore si d’un mot Cortis la rappelle ; mais celui-ci n’y songe même pas et ne répond à son désespoir solliciteur qu’en invoquant la bonté suprême de Dieu. Et tandis qu’Hélène part, sans espérance et désormais sans vie, Daniel Cortis se remet fiévreusement à l’action, pour ses idées, pour la vérité, pour Dieu, songeant qu’il possède l’âme d’Hélène et qu’il l’aura tout entière dans l’éternité !

C’est la religion aussi qui domine l’âme de François dans le Petit Monde d’autrefois, mais autant Daniel Cortis est épris d’action, autant François Maironi s’abandonne à une vie facile, à la douceur d’un pays merveilleux, à la musique et aux fleurs.