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Le cadre du Petit Monde d’autrefois est le lac de Lugano, où Fogazzaro a ses plus chers souvenirs. Il décrit avec complaisance la petite maison d’Oria et tous ceux que son enfance y rencontra jadis. Sur ce cadre deux protagonistes se détachent : François, orphelin, a épousé, contre le consentement de sa grand’mère, une jeune fille sans fortune, Louise Rigey, qui l’a séduit par sa nature droite et franche, mais qui ne partage pas sa foi religieuse et ne veut incliner sa raison devant d’autre principe que la vérité démontrée, et régler sa conduite sur d’autre précepte que la justice rationnelle. Ces deux états d’esprit si différens provoquent des froissemens, des paroles cruelles, une division profonde. Déshérité par sa grand’mère, abandonnant par générosité une fortune à laquelle il a droit, François hésite à quitter sa douce et oisive existence de campagnard pour aller gagner en ville de quoi faire vivre les siens. Il s’y résout enfin et part après une âpre discussion avec sa femme, durant laquelle l’abîme s’élargit encore entre leurs âmes. Il laisse une délicieuse petite fille de quatre ans qui est pour Fogazzaro l’occasion de tableaux aussi jolis que touchans, la petite Maria, dite Ombretta. Or un jour d’orage et de tempête, Ombretta se noie pendant que sa mère était allée crier à la grand’mère de François sa haine et son mépris, et cet affreux malheur arrache de son âme les derniers vestiges de foi et de religion. Elle maudit et nie Dieu alternativement. Sous les coups de la douleur, François se relève au contraire avec énergie et noblesse ; il bénit Dieu et le loue, et. son âme, faible devant les petits devoirs quotidiens, surmonte la catastrophe où sombre la morale intellectuelle de Louise. À ce moment, l’insurrection gronde en Piémont ; les volontaires italiens s’arment ; François va partir pour enlever, les armes à la main, la liberté de sa patrie, et conquise enfin, reconquise plutôt par sa grandeur d’âme, Louise revient à lui, sort de sa prostration et sent de nouveau palpiter en elle une vie qui la rattache à la vie.

Un fils est né : nous le retrouvons dans le Petit Monde d’aujourd’hui, dont il est le principal héros. Pierre Maironi n’a pas connu ses parens. Son père a succombé, quelques mois après sa naissance, à une blessure reçue sur les champs de bataille de l’indépendance italienne, et sa mère est morte deux ans plus tard ; mais il sent lutter en son âme les deux natures si diverses qu’ils lui ont léguées : il est partagé entre l’intellectualisme