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montrant comment tous les hommes fameux s’étaient élevés dans les républiques, et non sous les princes, parce que celles-là produisent les hommes vertueux, et ceux-ci les éteignent, les républiques faisant leur profit de la vertu d’autrui, et les princes la craignant. Il ne parlait dans ses leçons que des Brutus et des Cassius, car les Brutus et les Cassius étaient redevenus à la mode, et l’on était loin du temps où Dante lui-même, quoi qu’il pensât des tyrans et de la tyrannie, les associait aux parjures et aux félons, à Judas Iscariote, le traître des traîtres :


Quell’ anima lassù, ch’ha maggior pena
Dissé ! Maestro, è Giuda Scariotto,
Che’l capo ha dentro, e fuor le gambe mena ;
De gli altri duo cli hanno’l capo di sotto
Quei che pende dal negro ceffo, è Bruto :
Vedi come si storce, e non fa motto ;
E l’altro è Cassio, che par si membruto.


Les jeunes gens avec qui Cola Montano avait pris le plus de familiarité étaient Giovanni Andréa Lampognano (ou Lampugnani), Carlo Visconti et Girolamo Olgiato. Avec eux il s’était entretenu plusieurs fois de l’exécrable nature du prince, du malheur d’être gouverné par lui ; et il vint en telle confiance d’esprit et de volonté auprès de ces jeunes gens, qu’il leur fit jurer que, quand l’âge le leur permettrait, ils délivreraient leur patrie de la tyrannie de ce prince. Ces jeunes gens donc étant pleins de ce désir, qui s’accrut toujours avec les années, les mœurs et les façons du duc, et ensuite les injures particulières qui leur furent faites, les pressèrent de le mettre à exécution. Galeazzo était libidineux et cruel : pour ces deux vices, de nombreux exemples l’avaient rendu très odieux ; parce qu’il ne lui suffisait pas de corrompre les femmes nobles, mais encore il le publiait ; et il ne se contentait pas de faire mourir les hommes, s’il ne le faisait de quelque cruelle manière. En outre, il ne vivait pas sans quelque soupçon infamant d’avoir tué sa mère, parce que, n’estimant pas être prince tant qu’elle était là, il s’était comporté avec elle de telle sorte que l’envie lui vînt de se retirer en son siège dotal de Crémone, dans lequel voyage, prise de maladie subite, elle mourut : d’où beaucoup jugèrent que son fils avait fait mourir la duchesse. Galeazzo avait, par les femmes, déshonoré Carlo et Girolamo, et à Giovannandrea il n’avait pas