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puis au peuple républicain, enfin à la plèbe anarchiste. Pendant que la prise de la Bastille enthousiasmait la plupart des grandes villes et que Marseille, toujours plus ardente, multipliait les adresses de félicitations aux Constituans, la municipalité d’Aix hésitait à se déclarer ; elle était embarrassée de parler autant que d’agir ; et le 23 juillet seulement, elle jugea opportun de formuler en termes vagues et pompeux ses complimens obligés à Nosseigneurs de l’Assemblée. Louer la Constituante équivalait pour beaucoup d’aristocrates et même pour quelques robins à faire amende honorable à Mirabeau. De ce nombre étaient le comte de Galliffet, Portalis et Pascalis, qui n’avaient rien oublié depuis 1783 : ils eussent préféré s’abstenir ; mais la prudence leur commanda de signer tout de même cette adresse de dévouement et d’amour. Le premier, Portalis qui avait renoncé à représenter la Provence « depuis, avait-il écrit, qu’une sénéchaussée y avait assez mal entendu ses intérêts pour députer le comte de Mirabeau aux États généraux, » Portalis se réfugia dans une inaction boudeuse et solitaire. M. de Galliffet émigra ensuite avec sa jeune femme, sa fille du premier lit et son vieux père. A la fin de 1789, M. de Marignane alla « faire un voyage » à Nice, où la plupart des émigrés de Provence se rassemblaient, pour rester à courte portée de leurs domaines et surveiller sans trop de peine les gens qu’ils laissaient chargés de leurs affaires ; Monaco et Turin étaient leurs autres centres principaux de rassemblement. Vers le même temps, Jaubert, qui avait été l’habile avocat-conseil de Mirabeau dans son procès en séparation, devint procureur-syndic d’Aix. Bientôt, les aristocrates qui tentaient de se concilier les sympathies du populaire et, à plus forte raison, ceux qui tenaient tête à leurs anciens vassaux, cliens et serviteurs révoltés, subirent chaque jour les pires traitemens. Le 14 juillet 1790, le vieux marquis d’Albertas fut poignardé sous les yeux de sa femme, dans sa propriété de Gemenos, pendant un banquet en plein air qu’il offrait à la garde citoyenne. L’échafaud était dressé en permanence à Aix sur la place du Boulevard. Les imprudences de langue et de gestes d’un fol et brave vieux gentilhomme, le chevalier de Guiramand, causaient une émeute ; on mettait à sac le cercle Guion, où, sous le nom d’Amis de l’ordre et de la paix, se réunissaient les nobles, les parlementaires et les officiers du régiment Lyonnais ; le sang coulait. L’avocat