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qui en a été le couronnement, campagne et victoire toutes nationalistes, a grossi l’effet du discours impérial : et cela aussi était naturel.

Il est sûr que le nouveau Reichstag votera plus facilement, plus largement, plus libéralement encore que ses devanciers, tous les crédits militaires qui lui seront demandés. On serait surpris, malgré la nouvelle conférence de La Haye qu’on prépare, que les armemens de l’Allemagne fussent à la veille d’entrer dans une période décroissante, et, comme il suffit qu’une puissance augmente ses armemens pour que les autres soient obligées de l’imiter, on voit où cela peut nous conduire. Quant à la majorité parlementaire, il n’est pas impossible, après tout, que M. le prince de Bülow qui l’a faite en prenne à son aise avec elle. Elle sera fragile, et nous avons dit pourquoi ; mais elle ne sera ni intangible, ni immuable. A défaut de celle d’aujourd’hui, le chancelier pourra, s’il le désire, en trouver une autre, et rien ne prouve qu’il ne cédera pas un jour ou l’autre à la tentation de la chercher. Bismarck lui a légué toute une tradition à ce sujet. L’Allemagne n’est pas un pays purement parlementaire, où le gouvernement est l’organe de la majorité : le gouvernement, à Berlin, est l’organe de l’Empereur, et la majorité est pour lui un instrument qu’il aime à échanger de temps en temps contre un autre, pour mieux conserver sa liberté. Cette liberté n’est jamais plus grande que lorsqu’il a le choix entre plusieurs majorités, et qu’il est maître de passer de l’une à l’autre. Le besoin de « changer son fusil d’épaule, » qui a quelque peu scandalisé chez un ministre français, paraîtrait tout à fait convenable et correct chez un ministre allemand. Nous continuons de croire, comme nous le disions déjà il y a quinze jours, que le gouvernement et le Centre ne resteront pas indéfiniment ennemis l’un de l’autre. Le Centre est un trop gros morceau pour qu’on puisse le négliger : c’est toujours le plus gros du Reichstag avec ses 105 voix. Les conservateurs qui viennent après lui n’en ont que 86, et les nationaux libéraux que 56. Ces derniers, avec les radicaux, qui en ont 46, forment un total de 101 voix. Le chancelier essaiera-t-il de former avec eux ce parti libéral bourgeois dont il caressait complaisamment le rêve avant les élections ? S’il le fait, qu’en penseront les conservateurs et les agrariens ? Pour ce motif, ou pour un autre, il est presque inévitable que la majorité se divise, et alors le Centre sera là. On se boude pour le moment ; on conserve même des attitudes et on se lance des regards irrités ; mais on prend soin, et aussi bien d’un côté que de l’autre, de ne pas se brouiller irrémédiablement. Qui sait si, au bout