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l’inspection à notre projet, et que l’Allemagne n’a rien retiré du projet autrichien, on a recours à l’équivoque ; et l’on télégraphie d’Algésiras que M. Regnault, au comité de rédaction du 14 mars, a déposé un nouveau projet qui ne tient compte ni des demandes allemandes ni des propositions autrichiennes. Cette fois, c’est l’agence Wolff qu’on a mobilisée. Le « nouveau projet » qu’elle dénonce n’est autre que celui que M. Révoil avait déposé le 8 mars, projet où, comme on sait, il n’était pas question de l’inspecteur et où il ne pouvait en être question, puisque nous subordonnions à l’acceptation intégrale de la police franco-espagnole, encore discutée, notre adhésion à l’inspection. M. Regnault n’avait pas modifié ce texte et n’avait pas à le modifier, puisqu’on réclamant une police suisse pour Casablanca, l’Allemagne excluait la solution franco-espagnole, le 14 aussi bien que le 8 mars. L’assertion de l’agence Wolff est donc manifestement fausse : Qu’importe, si, en la publiant, on déroute l’opinion européenne, si l’on énerve l’opinion française, si l’on se dispense par l’intimidation de faire honneur aux promesses dictées par la raison ?

Cependant, comme on craint que les journaux ne suffisent pas à emporter le succès, la diplomatie impériale entre en jeu. Le 12 mars[1], les ambassadeurs d’Allemagne reçoivent un télégramme circulaire qui résume une dépêche de M. de Radowitz. Cette dépêche assure que la majorité des délégués à Algésiras est absolument favorable à l’Allemagne et que presque tous conseillent à la France d’adhérer au projet autrichien, c’est-à-dire d’admettre que Casablanca soit soustrait à la police franco-espagnole. Les ambassadeurs sont invités à communiquer ces renseignemens aux gouvernemens auprès desquels ils sont accrédités. Il va de soi que la communication sera faite avec les nuances voulues. A Londres, on insistera surtout sur l’attitude de la Russie ; à Saint-Pétersbourg, sur celle de l’Angleterre, et ainsi de suite. Mais partout, on fera naître la même impression : à savoir, que tout le monde donne tort à la France ; que la France est abandonnée de tous ; qu’elle seule empêche l’accord et encourt par là le blâme général. Le mardi 13 mars, le comte Wolff-Metternich, ambassadeur à Londres, va s’acquitter auprès de sir Edward Grey de la mission qui lui a été confiée. Le secrétaire d’Etat lui réplique froidement : — Ce que vous me

  1. Le fait, comme on le verra plus loin, fut reconnu par la Gazette de l’Allemagne du Nord, le 27 mars suivant.