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justifier, au regard du public, la nécessité des démentis anglais et russes, en obligeant l’Allemagne elle-même à confesser la campagne qui les avait provoqués. La lumière était ainsi faite non seulement sur le présent, mais sur le passé, et montrait, avec les menées dont la France avait été l’objet, la fidélité des concours précieux qu’elle avait partout rencontrés.

Les Etats-Unis, à cette heure critique, nous marquaient une sympathie égale à celle dont témoignaient la Russie et l’Angleterre. On a vu avec quelle insistance, par trois télégrammes de Guillaume II en date du 14, du 15 et du 17 mars, soulignés par trois démarches du baron Speck de Sternburg, la pression allemande s’était exercée à Washington. L’Empereur demandait que M. Roosevelt nous recommandât le projet autrichien : le président s’y refusa catégoriquement. Il demanda alors que M. White reçût l’ordre de voter ce projet : M. Roosevelt s’y refusa encore. A la dernière dépêche de l’Empereur, appuyée énergiquement par l’ambassadeur, un troisième refus répondit, — refus verbal d’abord (15 mars) adressé à M. de Sternburg, refus écrit ensuite, télégraphié à Guillaume II le 17 mars. Non seulement M. Roosevelt déclarait, avec une netteté particulière, le projet autrichien « inacceptable ; » mais il affirmait que, si la doctrine de Monroë ne l’eût pas empêché de prendre parti, il l’eût activement combattu comme étant une amorce de partage du Maroc, au moyen de sphères d’influence. M. Roosevelt rappelait d’ailleurs qu’ayant, le 7 mars, soumis à l’Empereur un projet, il s’y tenait ; que, si le délégué américain ne s’abstenait pas, il ne pourrait voter que pour ledit projet ; que la France avait fait une grosse concession en acceptant l’inspection ; qu’il appartenait à l’Allemagne de la reconnaître en renonçant à ses prétentions sur la police suisse de Casablanca, injustifiable à tous égards. En même temps, M. Root télégraphiait à M. White des instructions dans le même sens, qui constituaient la réfutation complète des argumens invoqués en faveur de la thèse autrichienne et demandait à l’ambassadeur d’Allemagne d’appuyer à Berlin les vues du gouvernement de l’Union.

En moins d’une semaine, nous avions donc non seulement rétabli autour de nous la foi dans notre fermeté[1], mais encore provoqué la manifestation publique des sympathies qui nous

  1. Le 19 mars, la Chambre vota, sans débat, le budget des Affaires étrangères. A la demande de M. Bourgeois, toutes les interpellations furent ajournées.