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leçons de l’Université en dénonçant avec colère le concordat que le grand-duché de Bade, à l’imitation du cabinet de Vienne, s’était permis de conclure avec Rome.

En face de ces types d’historiens, ouvriers brutaux d’une réalité brutale, maniant les documens comme on manie des armes, et méprisant la vraie culture comme on méprise, en campagne, les bagages encombrans, il aurait fallu que l’Autriche, de son côté, mobilisât des historiens, pour soutenir ce que Boehmer appelait, d’un très beau mot, le « point de vue civique d’empire » (Den reichsbürgerlichen Standpunkt). De quel enthousiasme Boehmer l’eût secondée ! Il songeait précisément, en 1859, à fonder un journal historique grossdeutsch.

Mais l’Autriche, cette année-là encore, cette année-là sur- tout, était en retard. « Les Prussiens sont devenus les præceptores Germaniæ, » écrivait de Vienne Frédéric Hurter, l’ancien biographe d’Innocent III. Et Frédéric Hurter travaillait de son mieux. Malgré les difficultés que lui opposait parfois, — à lui historiographe royal, — l’absurde censure autrichienne, et malgré l’indifférence pénible qu’il rencontrait dans les hautes sphères, il menait à bonne fin sa grande Histoire de Ferdinand II, ardent plaidoyer pour les Habsbourgs et pour la contre-Réforme. Un autre érudit, tout jeune encore, et qui, comme jadis Hurter, devait passer plus tard du protestantisme au catholicisme, Onno Klopp, vengeait à son tour Tilly et la Bavière catholique dans un ouvrage historique qui fit du bruit, jetait le gant à Sybel dans une brochure intitulée : L’histoire allemande conçue par le parti de Gotha et le Nationalverein, et lançait deux brochures contre l’apologie de Frédéric II par Häusser. Mais que pouvait l’effort de ces deux érudits, dont le premier n’enseignait nulle part, et dont le second professait devant des jeunes filles, contre une école historique qui régnait dans les universités allemandes, et qui agissait sur l’élite savante par l’Historische Zeitschrift, sur la masse ignorante par la multitude de journaux asservis au Nationalverein ?

Onno Klopp était bon juge, lorsque, dans ses polémiques, il rapprochait la science de Sybel et la politique de l’Association nationale allemande. En même temps que Sybel faisait la théorie de la « vocation prussienne, » le Nationalverein préparait l’Allemagne à s’agenouiller devant cette vocation. Soucieux au début de ne point heurter de front les susceptibilités particulières