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La réponse de Joseph de Maistre porte la date du 27 janvier 1816[1]. Il y énumère les causes de son silence. Il s’était figuré que le comte de Blacas profiterait de l’influence que lui donnaient ses fonctions ministérielles pour le faire venir à Paris d’une manière ou d’une autre et il s’est étonné que son ami n’ait pas songé à une combinaison qui les rapprocherait. Il avait marqué le désir d’avoir pour lui ou pour son fils la croix de Saint-Louis. On lui répondit « par deux lignes entortillées à la manière de la feue prêtresse de Delphes, » ce qui fut une cause de désappointement.


« Peu de temps après, je laissai sortir de mon portefeuille un opuscule fait et parfait depuis cinq ans[2] ; je l’envoyai à vous, cher comte, et à M. de Bonald, et voilà qu’en un clin d’œil, il me revient réimprimé sous mon nom et orné de discussions qui me font voir qu’on l’a présenté comme un soufflet donné à la Charte. Peut-on imaginer, d’abord, quelque chose de plus contraire à toutes les lois de la délicatesse qu’un ouvrage anonyme réimprimé sous le nom de l’auteur connu et vivant, sans sa permission ? Quel éditeur me joua ce beau tour, et comment put-il vous échapper ? Si l’ouvrage vous avait déplu, qu’est-ce qui vous empêchait de mettre le pied dessus, comme je me hâtai de vous l’écrire, et de l’étouffer sur-le-champ ? Vous ne pouviez douter de mon entière approbation. Vous connaissez mon dévouement à votre cause et à votre maître ; l’idée de l’avoir affligé m’était insupportable. Je vous en écrivis amèrement, par la voie de l’Ambassadeur, 13 (23) février 1815. Point de réponse. Bientôt arrivèrent de nouveaux malheurs. Mon cœur était gonflé ; d’ailleurs, je ne savais où vous prendre. Voilà ce qui fit que votre ami fut muet. »


Après cette explication qui, de la part de Joseph de Maistre, équivaut à dire qu’il oublie tous ses griefs, il félicite Blacas d’être loin de Paris. « L’eau n’est pas assez claire pour un

  1. Elle a trouvé place dans la Correspondance imprimée (t. V, p. 243), sauf un passage que nous reproduisons.
  2. Dans aucune de ses lettres, Joseph de Maistre ne donne le titre de cet opuscule et nous n’avons pu savoir celui dont il s’agit. Dans l’ordre de ses publications, nous ne trouvons, à la date de 1815, que son adaptation de l’écrit de Plutarque : Des délais de la Justice divine, qui fut imprimée à son insu et ce n’est pas assurément dans un tel livre qu’on pouvait voir « un soufflet donné à la Charte. »