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Que trouvons-nous au contraire dans le tracé du Sud, qui a prévalu ? D’abord, les vilayets d’Adana et d’Alep, dont le sol, d’une fertilité extrême, présente les produits les plus variés des pays chauds ou tempérés. Mais bientôt, il faut quitter les enchantemens de la zone côtière. La haute Mésopotamie, avec ses maigres pâturages, élève de nombreux troupeaux qui viennent passer l’Euphrate à Biredjik pour se diriger sur les grandes villes ou les ports de la Syrie. Les habitans, Arabes récemment enlevés à la vie nomade, médiocres agriculteurs, ont peu de besoins et ne font pas de commerce.

Plus loin, à partir de Mossoul, les tracés se confondent. On entre alors dans la Mésopotamie proprement dite, qui n’offre plus, à des centaines de lieues à la ronde, ni habitations, ni végétation. Il y avait là, jadis, un système complet de canaux fertilisans dont on voit encore aujourd’hui de larges tronçons[1]. Le Tigre et l’Euphrate étaient endigués, et comme le Nil d’Egypte, ils fécondaient le pays par des inondations périodiques. A côté de ces vastes plaines, les luxuriantes forêts de l’actuel Kurdistan ralentissaient la fonte des neiges et régularisaient le régime des eaux. Des déboisemens millénaires ont tout détruit. Sur la roche nue, la neige glisse aux premiers rayons du soleil ; elle forme les crues torrentielles qui ont enlevé les digues et comblé les canaux. Dès lors, c’en est fait de la culture. La pluie est trop rare pour que la terre produise sans irrigation. La sécheresse devient un fléau, la récolte manque ; l’indigène, épuisé de privations, accablé par la tyrannie, émigré ou meurt : le sable règne en maître sur les ruines de Nimroud et d’Assour.

Pour ramener la vie dans ce désert, il faudrait reconstituer la situation que l’imprévoyance des peuples et l’incurie administrative ont abolie depuis si longtemps : reboiser, relever les digues, déblayer les canaux, assurer aux cultivateurs l’ordre] et la sécurité. « Le pays ne saurait être mis en valeur, ce qui est de toute nécessité pour qu’un chemin de fer soit utile et puisse subsister, sans le rétablissement préalable des digues et des canaux du Tigre et de l’Euphrate... Sans cette première amélioration, en tout cas indispensable, le trafic du chemin de fer périclitera, faute d’être alimenté... De faibles efforts suffiront à

  1. Turquie d’Asie, par M. J. Duckerts, consul général de Belgique à Smyrne, Bruxelles, Weissenbruch 1904.