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tandis que le tronçon Boulgourlou-Adana doit la mettre en communication avec la mer. Sans doute, le tracé ne touche en aucun point le golfe d’Alexandrette, mais la jonction peut se faire par un simple raccordement avec la voie ferrée d’Adana-Tarsous-Mersine.

Cette petite ligne de 67 kilomètres, construite par une Compagnie franco-anglaise, devait constituer l’amorce d’une longue artère remontant jusqu’à la Mer-Noire. Pendant vingt ans, la Société demanda à s’étendre vers l’intérieur. Mais ses efforts se heurtèrent à l’opposition invariable des Allemands. Un jour pourtant, elle put se croire près du succès, le ministre de la Guerre ayant donné un avis favorable au prolongement de la voie jusqu’à Diarbékir, pour des raisons stratégiques de haute importance. Diarbékir est en effet la clef de l’Asie Antérieure. De là une armée peut rayonner dans tous les sens, menacer la Perse par les routes de caravanes du Kurdistan, soutenir Erzéroum par la vallée de l’Euphrate et marcher sur le Caucase. Mais on passa outre à ces considérations ; une fois de plus, le veto de la Société d’Anatolie arrêta tout. Bientôt la concession de Bagdad vint ruiner les espérances de la Compagnie. Non seulement elle perdait toute perspective d’extension, mais elle pouvait s’attendre à mourir d’inanition, la nouvelle voie devant drainer tout le transit de l’arrière-pays d’Adana qui alimentait son trafic.

Restait une dernière chance, le rattachement au réseau de Bagdad. Aux mains des Allemands, le tronçon d’Adana prenait une valeur énorme ; il leur ouvrait un débouché sur la mer. Mersine, la ville des myrtes, avec sa rade vaste et sûre, quoique peu profonde, pouvait suppléer Alexandrette comme aboutissement méditerranéen. Les produits de l’Osroène, de la Cilicie, de la Caramanie, au lieu de faire le grand tour par Eski-Chéhir et Constantinople, viendraient s’écouler par Adana-Mersine. Or les actions de la ligue étaient tombées, de chute en chute, à un prix dérisoire. La Deutsche Bank en racheta la grande majorité et devint ainsi maîtresse de l’affaire, en attendant le transfert de la concession au nom de la Société de Bagdad et l’autorisation de raccorder les deux lignes.

En somme, la construction très prochaine de la section Boulgourlou-Adana, va mettre en liaison les rives du Bosphore avec le littoral syrien. Un courant économique résultera de la jonction de ces deux débouchés. Les Allemands se tiennent