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prêts à en tirer parti. Depuis plusieurs années, ils concentrent leur activité dans la région d’Adana. Cette plaine fertile se prête admirablement à la production du coton. Pour la développer, la Deutsche Bank et la Deutsche Levante Linie ont fondé la Société cotonnière allemande du Levant, qui donne toutes sortes de facilités aux agriculteurs cultivant le cotonnier. Elle leur fait des avances à des taux d’intérêt très bas ; elle achète à terme, aux prix les plus élevés, et paie comptant ; elle cède à des conditions très avantageuses la graine de choix qu’elle importe d’Amérique.

Sous cette impulsion vigoureuse, la récolte du textile augmente et sa qualité s’améliore. Les cotons achetés vont à Hambourg dans les ateliers d’une grande filature allemande qui a établi à Adana des fabriques de presses à coton et des machines à décortiquer perfectionnées[1]. La province est parcourue par de nombreuses personnalités allemandes : ingénieurs, négocians, industriels. Les initiatives se multiplient et frayent hardiment la voie, jusqu’au jour où l’arrivée des locomotives donnera tout leur essor aux exploitations.

Impatiemment réclamé au-delà du Taurus, le chemin de fer allemand coupera en diagonale la péninsule anatolique. De Haïdar-Pacha à Mersine, à travers le plateau, il formera une artère indépendante, se suffisant à elle-même. Son achèvement marquera une étape décisive, suivie sans doute d’un temps d’arrêt. Plus loin, c’est une œuvre nouvelle qu’il s’agit d’entreprendre : l’ambition allemande devra réaliser les vieux projets de l’Angleterre. Bien des obstacles, du fait des hommes plus que de la nature, s’opposent au nouveau bond qui porterait la ligne, non plus du Bosphore, mais de la Méditerranée au golfe Persique. Les grands wagons de luxe qui attendent, au dépôt d’Eski-Chéhir, la mise en circulation des trains rapides, portent déjà en caractères énormes le nom de Bagdad. L’étiquette pourra rester encore longtemps mensongère. Tant de compétitions hostiles guettent dans la vallée de l’Euphrate la poussée allemande vers l’Orient.

Une redoutable partie va se jouer entre les puissances européennes

  1. Bulletin de la Chambre de Commerce française de Constantinople. Livraison du 31 décembre 1906.