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remettrait ultérieurement les papiers de Mgr Montagnini. Tout cela est bizarre dans la forme, on en conviendra : nous parlerons du fond dans un moment. Pourquoi nommer si vite une commission qui ne commencera à fonctionner que dans trois semaines ou un mois ? Est-ce pour donner dès maintenant un organe parlementaire aux commérages qui courent ? Et pourquoi a-t-on décidé qu’on remettrait les papiers à la commission aussitôt que le procès intenté à M. l’abbé Jouin aurait été l’objet d’un jugement en première instance ? Est-ce que les motifs qui font ajourner leur remise jusqu’à cette date ne seront pas les mêmes le lendemain, c’est-à-dire jusqu’à l’arrêt de la Cour d’appel, et même jusqu’à celui de la Cour de cassation, si l’affaire va jusque-là ? Le gouvernement n’a le respect des droits de l’accusé et de la défense qu’en première instance : après, il livre tout au public, sans se préoccuper des suites. La Commission a été élue : elle a aussitôt choisi pour président M. Camille Pelletan, et ce choix dit tout. MM. Pelletan et Clemenceau étaient en froid depuis la constitution du ministère : vont-ils se réconcilier autour des papiers de Mgr Montagnini ?

Nous ne connaissons pas ce prélat italien ; mais c’est au moins un homme imprudent. Il prenait beaucoup de notes et conservait tous les papiers qu’on lui adressait, sauf, parait-il, à mettre quelquefois en marge la mention : à brûler. Mais il ne brûlait rien. Son gouvernement n’a pas été beaucoup plus prévoyant que lui. Après la rupture des relations diplomatiques, il aurait dû, comme M. le ministre des Affaires étrangères l’a expliqué à la tribune, obtenir d’un autre gouvernement qu’il se chargeât de la garde de ses archives, et même de la sauvegarde de ses intérêts, et le notifier au quai d’Orsay. Il n’en a rien fait, ce qui a permis à M. Pichon de dire, par un abus du formalisme dont ni lui, ni personne, n’a été dupe, qu’il ne savait pas si l’ancienne nonciature avait laissé des archives, ni où elles étaient, et que la préoccupation de les respecter n’avait pas pu dès lors arrêter les investigations de la justice chez un prêtre étranger qui s’appelait Montagnini. Nous plaignons un peu M. Pichon d’avoir été obligé de soutenir cette thèse à laquelle il a donné aussitôt plusieurs démentis, lorsqu’il a assuré par exemple que le juge d’instruction, assisté d’un agent de la police, avait scrupuleusement respecté ces mêmes archives, lorsque ce même prêtre étranger, sans mandat et sans titre officiel, lui en avait signalé l’existence. Mgr Montagnini a été imprudent, nous l’avons dit : il n’est pourtant pas sans excuse. Pouvait-il prévoir que le gouvernement de la République, en