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qu’il a su l’admirer. « Cette Circé des déserts est un grand nom en Orient, et un grand étonnement en Europe. » Quant à ses doctrines religieuses, il y voit un mélange habile et confus des différentes religions au milieu desquelles elle s’est condamnée à vivre : « Non, affirme Lamartine, cette femme n’est point folle, La folie ne s’aperçoit nullement dans la conversation élevée, mystique, orageuse, mais soutenue, liée, enchaînée et forte, de lady Hester. S’il me fallait prononcer, je dirais plutôt que c’est une folie volontaire, étudiée, qui se connaît soi-même et qui a ses raisons pour paraître folle. La puissante admiration que son génie a exercée, et exerce encore sur les populations arabes qui entourent les montagnes, prouve assez que cette prétendue folie n’est qu’un moyen. Aux hommes de cette terre de prodiges, dont l’imagination est plus colorée et plus lumineuse que l’horizon de leurs sables ou de leurs mers, il faut la parole de Mahomet ou de lady Stanhope ; il faut le commerce des astres, les prophéties, les miracles, la seconde vue du génie. Lady Stanhope l’a compris d’abord par la haute portée de son intelligence vraiment supérieure ; puis, peut-être, comme tous les êtres doués de puissantes facultés intellectuelles, a-t-elle fini par se séduire elle-même, et par être la première néophyte du symbole qu’elle s’était créé pour d’autres... »

Et Milady ? Elle commence par déclarer à Lamartine qu’elle n’a jamais entendu prononcer son nom. Le poète ne s’étonne point, il sait ce que représente la gloire, et que les deux revers de la médaille de l’humanité sont aussi creux l’un que l’autre. Peut-être cependant eût-elle goûté des vers comme ceux-ci :


Ah ! c’est que le désert est vide de cités,
C’est qu’en voguant au large, au gré des solitudes,
On y respire un air vierge des multitudes !
C’est que l’esprit y plane indépendant du lieu ;
C’est que l’homme est plus homme, et Dieu même plus Dieu !


Milady prophétise un autre Messie, elle conte au poète qu’elle lit dans les astres, lui annonce ses étoiles, explique son pied, le pied de l’Arabe, le pied de l’Orient ; entre le talon et les doigts, quand le pied est à terre, il reste un espace suffisant pour que l’eau passe sans mouiller. « . Vous êtes un fils de ces climats, et nous approchons du jour où chacun rentrera dans la maison de ses pères. Nous nous reverrons. » Par une faveur exceptionnelle,