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britannique au regard des autres États européens. On envie et l’on veut copier les institutions vénitiennes, ainsi qu’on enviera et l’on copiera les institutions britanniques. A Florence, en particulier, tout ce qui observe, tout ce qui pense, tout ce qui agit ne jure plus, en fait d’organisation de l’Etat, que par Venise. Là, dans l’imitation des institutions de Venise, si l’on avait un gonfalonier perpétuel qui fût comme son doge, un grand Conseil qui rappelât son grand Conseil, une Quarantie calquée sur les siennes, là serait la fin de cette longue misère de Florence, le mal des révolutions. Guichardin l’indique, Donato Giannotti insiste : « En ce temps fut ordonné, avec l’aide de fra Girolamo Savonarola, homme très avisé, le Grand Conseil. Et vraiment, quel qu’en fût l’auteur (beaucoup disent que ce fut fra Girolamo, et d’autres, que la proposition lui en fut faite par Pagolantonio Soderini, qui, ayant été peu auparavant ambassadeur à Venise, prit exemple du Grand Conseil vénitien, pour l’introduire ensuite à Florence) ; qui que ce soit donc qui en ait été l’auteur, il fut mieux inspiré que Giano della Bella et que le cardinal de Prato. »

Mais, de Giano della Bella à Savonarole et au retour des Médicis, de 1293 à 1494 ou à 1512, les fantaisies, même mauvaises, du subtil, de l’archisubtil esprit florentin, ne se fussent-elles traduites qu’en de très éphémères réalisations, n’eussent-elles vécu que d’octobre à novembre, n’eussent-elles été qu’un tour de plus sur la couche douloureuse où les factions avaient étendu la cité, tout cela pourtant, c’était de l’histoire, et par conséquent de la vie, et par conséquent de la matière ou des matériaux pour les constructions de la politique. Ces mille fantaisies réalisées étaient autant d’expériences sur le réel. Le plus réaliste des hommes qui se soient jamais essayés aux constructions de la politique, avait en elles, à portée de sa main, à pied d’œuvre, une carrière, une mine inépuisable, tout un Forum enseveli d’où l’on pourrait extraire, ainsi que les papes bâtisseurs d’églises l’avaient fait du Forum romain, du plomb, de l’argile et du marbre : il s’y fournit abondamment.


II

L’histoire de Florence fut une des sources, l’une des principales, où puisa l’auteur du Prince et du Discours sur la première