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Passion, celles de la flagellation et qu’elle restait souvent étendue, respirant à peine, le corps tout disloqué, rayé de meurtrissures, de contusions et d’enflures, tandis qu’elle se sentait frappée de verges et de fouets.

Enfin Jeanne-Marie de la Croix[1]présentait, d’après ses biographes, en même temps que des plaies passagères des pieds et des mains, une plaie permanente du côté gauche : « Sur les pieds et sur les mains, » dit Weber, on pouvait voir de temps à autre des empreintes de clous qu’elle prenait bien soin de cacher. C’étaient des points bleus, semés de taches de sang, ressemblant à des têtes de clous que recouvrait une pellicule très mince… Il s’était formé au-dessous du cœur, » ajoute le même Weber, ci une ouverture semblable à la blessure de Jésus-Christ et qu’elle prit également soin de cacher à tous les regards. Cette ouverture était large d’un doigt et demi, longue de trois doigts, recouverte d’une pellicule transparente semée de taches bleues où l’on apercevait comme des gouttes de sang caillé qui s’y étaient depuis longtemps ramassées[2]. »

Tous ces stigmates variés, depuis celui de la croix jusqu’à celui de la lance, nous montrent dans quel sens étendu et précis à la fois les mystiques ont compris la stigmatisation ; mais si nous voulons faire une analyse et une critique sérieuses des faits, nous avons tout avantage à laisser de côté les énumérations de ce genre pour étudier, chez tel ou tel mystique déterminé, des cas de stigmatisation aussi complets et aussi garantis que possible ; or nous en connaissons quelques-uns.

Le premier en date, celui qu’on ne peut pas se dispenser de citer quand on étudie la stigmatisation, est le célèbre cas de saint François d’Assise[3]. Dans sa vie si remplie, François avait toujours fait une part égale à l’action et à la prière et, pour méditer plus à l’aise, il faisait de temps à autre des retraites sur le mont Alverne, dans les Apennins ; mais lorsqu’il eut atteint ses quarante-deux ans, en 1224, il crut pouvoir renoncer tout à fait à l’action pour ne plus penser qu’à son salut et à sa mort qu’il sentait prochaine. Il pouvait espérer que son œuvre vivrait et durerait sans lui ; l’ordre qu’il avait fondé avait été reconnu par le pape Honorius III ; la règle qu’il avait donnée à

  1. 1603-1673.
  2. La vénérable J. Marie de la Croix et son époque, p. 361.
  3. 1182-1226.